Numéro 94 - Semaine du 27 février au 4 mars 2012

dimanche 4 mars 2012

Au sommaire, cette semaine, la (nouvelle) politique «vie privée» de Google, les (nouvelles) conséquences de la fermeture de MegaUpload, la (nouvelle) polémique autour de la position du PS sur la loi Hadopi.

Google is watching you

La nouvelle politique de Google en matière de respect de la vie privée, de collecte et de traitement des données personnelles des internautes, est entrée en vigueur cette semaine. Jusqu’à présent, il n’y avait pas une politique de Google, mais plus de 70 politiques différentes selon les services proposés (le moteur de recherche Google, le courrier électronique Gmail, la géolocalisation avec Maps, les photos avec Picasa, etc.). La nouvelle politique les regroupe toutes. A priori, cela semble être une très bonne chose pour les internautes, qui seront ainsi plus facilement et mieux informés de leurs droits.

Toutefois, l’unification des politiques relatives à la vie privée signifie aussi l’unification des bases de données. Tous les services proposés par Google qui collectent des données personnelles alimenteront une base de données unique, et auront accès à cette base de données. Le moteur de recherche pourra ainsi, par exemple, exploiter les données issues des courriers électroniques reçus pour modifier les résultats de recherche. En outre, la nouvelle politique, qui recherche la simplicité, est en réalité simpliste. Elle est bien trop peu précise pour que les internautes puissent savoir ce que Google fait de leurs données personnelles. Aux États-Unis, l’EPIC a déjà saisi la FTC, en Europe, la CNIL française a déjà remis en question la conformité de la nouvelle politique de Google au droit communautaire. Google sera-t-elle obligée de revenir en arrière ? La société a, jusqu’à présent, ignoré toutes les critiques en poursuivant le déploiement de cette nouvelle politique auprès des 2 milliards d’internautes concernés…

Fermeture de MegaUpload, suite…

La fermeture de MegaUpload continue de produire ses conséquences, et celles-ci sont très inquiétantes. Plusieurs opérateurs importants du commerce électronique, tels que PayPal et Google, ont en effet décidé, «dans le doute», de bloquer les comptes de plusieurs sites concurrents à MegaUpload. Ainsi, les comptes de RapidGator et l’Uptobox ont été gelés par PayPal, respectivement pour 6 et 3 mois. La filiale d’eBay adopte une posture paranoïaque de cow-boy tirant sur tout ce qui bouge, et posant les questions ensuite. Il est choquant de constater le pouvoir de cette société sur l’économie numérique, et de voir qu’elle en abuse en se transformant en policier du Net. PayPal aurait dû attendre une décision de justice lui ordonnant de bloquer les fonds, au lieu de violer le contrat qui la lie à ses clients.

Le site MegaVideo, faisant partie du groupe MegaUpload, attirait plus de 3 millions d’internautes français fin 2011, et sa fermeture impose à ces internautes de changer leurs habitudes. Ainsi, un sondage Clubic/Ifop conduit auprès d’un panel de 1249 internautes révèle que 48% d’entre-eux ont décidé d’arrêter le téléchargement illicite d’œuvres protégées par le droit d’auteur ; 31% estiment télécharger «moins qu’avant» et 21% répondent qu’ils n’ont pas changé leurs habitudes. Ironie du sort, la fermeture de MegaUpload par les autorités américaines aura eu un impact plus important sur les habitudes des internautes que le système Hadopi dans son ensemble.

Hadopi: la «repenser» ou l’abroger ?

S’agissant du système Hadopi, la position de François Hollande continue de fluctuer. Le candidat socialiste à déclaré, dans une tribune publiée par Le Monde, que la loi Hadopi «doit être repensée». Qui dit «repenser» ne dit pas «supprimer». La polémique n’a pas tardé à naître parmi les internautes intéressés par le droit des nouvelles technologies… Le PS a rapidement réagi, en expliquant que le titre de la tribune avait été unilatéralement modifié par la rédaction du journal, et qu’il n’est en aucun cas question de «repenser» Hadopi, mais bien de l’abroger. Qu’une telle polémique naisse du titre et non du fond d’un article est à la fois étrange et révélateur: la position des socialistes sur le système Hadopi et le partage d’œuvres culturelles sur Internet n’est pas claire.

François Hollande déclare d’abord que le téléchargement illicite doit être sanctionné devant les tribunaux. C’est assurément une bonne chose, la déjudiciarisation de la procédure de sanction étant l’une des critiques récurrentes formulées contre le système Hadopi. Mais contre qui les actions judiciaires seront-elles dirigées ? Le candidat vise spécifiquement les intermédiaires tels que MegaUpload: «Nous soutiendrons et rendrons plus efficaces les actions judiciaires visant à tarir à la source la diffusion illégale des œuvres protégées. Nous combattrons ces plateformes délocalisées et incontrôlables qui déversent des contenus culturels sur le réseau sans jamais participer à leur financement.» En revanche, il n’est pas dit que les internautes échapperont à la sanction pénale du délit de contrefaçon. On peut donc penser que tant l’UMP que le PS souhaitent conserver la possibilité de sanctionner pénalement les internautes par le délit de contrefaçon, que les deux partis veulent que cette sanction demeure exceptionnelle, et qu’ils emploient pour ce faire des moyens différentes : l’UMP a créé l’Hadopi pour dissuader les internautes de télécharger et les sanctionner par une peine plus légère que celle prévue pour le débit de contrefaçon, tandis que le PS voudrait diriger les actions en justice contre les sociétés qui fondent leur activité économique sur le téléchargement (Hollande préconise «la mise en place d’un cadre juridique adapté à la lutte contre les services ou intermédiaires illégaux»). Dans un cas comme dans l’autre, l’épée de Damoclès est toujours en place, en équilibre instable au dessus de la tête des internautes. Et si le PS «reste fidèle à ses valeurs : la gauche soutient le droit des auteurs, tant moral que patrimonial, aujourd’hui comme hier», ce n’est certainement plus «dans la lignée de Beaumarchais, frondeur et auteur contestataire», à une époque où les frondeurs et contestataires sont les internautes qui réclament un accès libre à la culture face aux très puissant lobby de l’industrie culturelle.

 

Au sommaire, cette semaine, la (nouvelle) politique «vie privée» de Google, les (nouvelles) conséquences de la fermeture de MegaUpload, la (nouvelle) polémique autour de la position du PS sur la loi Hadopi.

Google is watching you

La nouvelle politique de Google en matière de respect de la vie privée, de collecte et de traitement des données personnelles des internautes, est entrée en vigueur cette semaine. Jusqu’à présent, il n’y avait pas une politique de Google, mais plus de 70 politiques différentes selon les services proposés (le moteur de recherche Google, le courrier électronique Gmail, la géolocalisation avec Maps, les photos avec Picasa, etc.). La nouvelle politique les regroupe toutes. A priori, cela semble être une très bonne chose pour les internautes, qui seront ainsi plus facilement et mieux informés de leurs droits.

Toutefois, l’unification des politiques relatives à la vie privée signifie aussi l’unification des bases de données. Tous les services proposés par Google qui collectent des données personnelles alimenteront une base de données unique, et auront accès à cette base de données. Le moteur de recherche pourra ainsi, par exemple, exploiter les données issues des courriers électroniques reçus pour modifier les résultats de recherche. En outre, la nouvelle politique, qui recherche la simplicité, est en réalité simpliste. Elle est bien trop peu précise pour que les internautes puissent savoir ce que Google fait de leurs données personnelles. Aux États-Unis, l’EPIC a déjà saisi la FTC, en Europe, la CNIL française a déjà remis en question la conformité de la nouvelle politique de Google au droit communautaire. Google sera-t-elle obligée de revenir en arrière ? La société a, jusqu’à présent, ignoré toutes les critiques en poursuivant le déploiement de cette nouvelle politique auprès des 2 milliards d’internautes concernés…

Fermeture de MegaUpload, suite…

La fermeture de MegaUpload continue de produire ses conséquences, et celles-ci sont très inquiétantes. Plusieurs opérateurs importants du commerce électronique, tels que PayPal et Google, ont en effet décidé, «dans le doute», de bloquer les comptes de plusieurs sites concurrents à MegaUpload. Ainsi, les comptes de RapidGator et l’Uptobox ont été gelés par PayPal, respectivement pour 6 et 3 mois. La filiale d’eBay adopte une posture paranoïaque de cow-boy tirant sur tout ce qui bouge, et posant les questions ensuite. Il est choquant de constater le pouvoir de cette société sur l’économie numérique, et de voir qu’elle en abuse en se transformant en policier du Net. PayPal aurait dû attendre une décision de justice lui ordonnant de bloquer les fonds, au lieu de violer le contrat qui la lie à ses clients.

Le site MegaVideo, faisant partie du groupe MegaUpload, attirait plus de 3 millions d’internautes français fin 2011, et sa fermeture impose à ces internautes de changer leurs habitudes. Ainsi, un sondage Clubic/Ifop conduit auprès d’un panel de 1249 internautes révèle que 48% d’entre-eux ont décidé d’arrêter le téléchargement illicite d’œuvres protégées par le droit d’auteur ; 31% estiment télécharger «moins qu’avant» et 21% répondent qu’ils n’ont pas changé leurs habitudes. Ironie du sort, la fermeture de MegaUpload par les autorités américaines aura eu un impact plus important sur les habitudes des internautes que le système Hadopi dans son ensemble.

Hadopi: la «repenser» ou l’abroger ?

S’agissant du système Hadopi, la position de François Hollande continue de fluctuer. Le candidat socialiste à déclaré, dans une tribune publiée par Le Monde, que la loi Hadopi «doit être repensée». Qui dit «repenser» ne dit pas «supprimer». La polémique n’a pas tardé à naître parmi les internautes intéressés par le droit des nouvelles technologies… Le PS a rapidement réagi, en expliquant que le titre de la tribune avait été unilatéralement modifié par la rédaction du journal, et qu’il n’est en aucun cas question de «repenser» Hadopi, mais bien de l’abroger. Qu’une telle polémique naisse du titre et non du fond d’un article est à la fois étrange et révélateur: la position des socialistes sur le système Hadopi et le partage d’œuvres culturelles sur Internet n’est pas claire.

François Hollande déclare d’abord que le téléchargement illicite doit être sanctionné devant les tribunaux. C’est assurément une bonne chose, la déjudiciarisation de la procédure de sanction étant l’une des critiques récurrentes formulées contre le système Hadopi. Mais contre qui les actions judiciaires seront-elles dirigées ? Le candidat vise spécifiquement les intermédiaires tels que MegaUpload: «Nous soutiendrons et rendrons plus efficaces les actions judiciaires visant à tarir à la source la diffusion illégale des œuvres protégées. Nous combattrons ces plateformes délocalisées et incontrôlables qui déversent des contenus culturels sur le réseau sans jamais participer à leur financement.» En revanche, il n’est pas dit que les internautes échapperont à la sanction pénale du délit de contrefaçon. On peut donc penser que tant l’UMP que le PS souhaitent conserver la possibilité de sanctionner pénalement les internautes par le délit de contrefaçon, que les deux partis veulent que cette sanction demeure exceptionnelle, et qu’ils emploient pour ce faire des moyens différentes : l’UMP a créé l’Hadopi pour dissuader les internautes de télécharger et les sanctionner par une peine plus légère que celle prévue pour le débit de contrefaçon, tandis que le PS voudrait diriger les actions en justice contre les sociétés qui fondent leur activité économique sur le téléchargement (Hollande préconise «la mise en place d’un cadre juridique adapté à la lutte contre les services ou intermédiaires illégaux»). Dans un cas comme dans l’autre, l’épée de Damoclès est toujours en place, en équilibre instable au dessus de la tête des internautes. Et si le PS «reste fidèle à ses valeurs : la gauche soutient le droit des auteurs, tant moral que patrimonial, aujourd’hui comme hier», ce n’est certainement plus «dans la lignée de Beaumarchais, frondeur et auteur contestataire», à une époque où les frondeurs et contestataires sont les internautes qui réclament un accès libre à la culture face aux très puissant lobby de l’industrie culturelle.