Numéro 62 - Semaine du 13 au 19 juin 2011

dimanche 19 juin 2011

Quelques statistiques, pour débuter la revue d’actualité de la semaine : que se passe-t-il, en une minute, sur Internet ? Il s’en passe, des choses : 168 millions d’e-mails envoyés ; 695 000 statuts Facebook mis à jour et 510 000 messages publiés ; près de 695 000 requêtes de recherche sur Google ; 370 000 minutes d’appel sur Skype ; près de 100 000 messages publiés sur Twitter ; 13 000 heures de musique écoutées sur Pandora ; 13 000 applications téléchargées sur l’AppStore pour iPhone et iPad d’Apple.

Vu le succès des sites communautaires, des plateformes de distributions de contenus et du Web 2.0 en général, alors que certains services se préparent à intégrer les Boxes ADSL et autres périphériques (Web 3.0), certains pensent à imposer de nouvelles taxes aux entreprises florissantes de l’économie numérique.
Le gouvernement français a ainsi tenté de faire adopter à l’Assemblée nationale une nouvelle taxe incombant aux fournisseurs d’accès, dans le but, selon Numerama, de financer le futur Centre National de la Musique et la production musicale en France. Cette taxe, rejetée par les députés, n’aurait en rien remis en cause le système répressif Hadopi. Pourtant, à bien des égards et comme le souligne de nouveau cette semaine une étude juridique américaine [PDF], la licence globale semble avoir plus d’avantages et moins d’inconvénients que la riposte graduée (qui, en Irlande, soulève des questions relatives à la vie privée des internautes).
Une autre taxe dont on parle de plus en plus (sous le nom de «taxe Google») porterait sur les achats de publicité en ligne. En théorie, l’idée est séduisante puisque l’économie du Web 2.0 repose principalement sur la publicité et que celle-ci génère des revenus considérables. En pratique, cependant, une telle taxe aurait, selon ses détracteurs, porté préjudice aux opérateurs français qui auraient été défavorisés face à leurs concurrents étrangers (l’argument est loin d’être nouveau, mais il est vrai que les géants du Web 2.0 sont américains…). La taxe a donc été supprimée du projet de loi de finances rectificative par l’Assemblée nationale, pour réapparaître au Sénat… affaires à suivre.

Les services de streaming, bien que ne relevant pas exactement du web communautaire, ont le vent en poupe. Ils sont aussi dans le collimateur des ayants droit… Ainsi, le site espagnol Rojadirecta, dont nous avions parlé en février (v. n°43), avait été «neutralisé» par le gouvernement américain dans une opération anticontrefaçon de grande envergure, et il passe aujourd’hui à la contre-offensive. Le nom de domaine avait en effet été saisi par les autorités américaines, et le site espagnol vient de saisir la justice américaine pour le récupérer. Rappelons que le nom de domaine en question est générique (.com) et ne vise pas particulièrement le public américain, et que le site lui-même a été jugé licite par la justice espagnole. Voilà donc une bataille qui promet d’être intéressante. Mais elle est loin d’être gagnée pour le site espagnol, car la pénalisation du streaming est une idée qui fait progressivement son chemin aux États-Unis, comme en témoigne le récent projet de loi Commercial Felony Streaming Act (qui est soutenu conjointement par l’administration Obama et par les majors hollywoodiens).

Paradoxalement, alors que les coups bas sont permis lorsqu’il s’agit de défendre l’argent généré par les droits de propriété intellectuelle, l’administration américaine envisage de créer un «Internet fantôme» afin de déjouer la censure dans les États où l’expression n’est pas libre.

La France, quant à elle, n’est pas à la traine, on le sait, en matière de répression du téléchargement illicite et de filtrage. Nous parlions en mai (v. n° 60) d’un rapport de l’ONU condamnant à la fois la coupure d’accès à Internet (loi Hadopi) et le filtrage (lois Loppsi 2 et sur la régulation des jeux en ligne – à ce propos, l’on apprend cette semaine que les FAI français ont fait appel de la décision rendue dans l’affaire 5dimes.com (v. n°56) et ont posé une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) dans l’affaire Stanjames – v. n°s 17, 18 et 53). Nous apprenons cette semaine que ledit rapport a été approuvé par 41 pays, mais pas la France (ni le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Allemagne, l’Italie et la Belgique) ; parmi ces pays ayant approuvé le rapport, l’on trouve notamment les États-Unis, l’Inde, le Brésil, le Japon, la Turquie et le Mexique.

Pis, et c’est l’actualité la plus importante de la semaine, en France et dans notre domaine, un projet de décret vise à permettre le filtrage administratif (sans recourir au juge) d’Internet. Le principe est le suivant : l’article 18 de la Loi pour la Confiance dans l’Économie Numérique (s’il reste encore de la confiance, après de tels décrets) de 2004, issu d’une modification de 2007, permet à l’administration de prévenir ou de faire cesser la diffusion de contenus sur le réseau, pour divers motifs (sécurité publique, protection des mineurs, protection des consommateurs, etc.). Le système fonctionne en 3 temps : d’abord, une injonction de faire cesser la diffusion du contenu litigieux à son éditeur, puis une injonction de mise hors ligne ou de filtrage à l’hébergeur de ce contenu, enfin, en cas d’échec des mesures précédentes, une injonction de filtrage aux fournisseurs d’accès (FAI). Les rédacteurs du décret, qui justifient l’injonction de filtrage destinée aux FAI par «l’urgence de la situation», ont dû oublier que l’action en référé est justement prévue pour répondre à l’urgence. Le projet de décret devra être examiné par le tout nouveau Conseil National du Numérique (CNN).

Finissons avec les suites de l’arrêt Padawan de la CJUE (v. n°28) en France : dans une décision du 17 juin 2011 [PDF], le Conseil d’État a annulé la délibération n°11 (datant du 17 décembre 2008) de la commission copie privée, qui fixait le montant de la rémunération pour la copie privée pour de nombreux appareils. La CJUE avait décidé que la rémunération de la copie privée ne pouvait pas s’appliquer aux supports achetés et utilisés par les professionnels qui ne réalisent pas de copie privée, et le Conseil d’État vient de tirer les conséquences de cette décision en droit français.

Quelques statistiques, pour débuter la revue d’actualité de la semaine : que se passe-t-il, en une minute, sur Internet ? Il s’en passe, des choses : 168 millions d’e-mails envoyés ; 695 000 statuts Facebook mis à jour et 510 000 messages publiés ; près de 695 000 requêtes de recherche sur Google ; 370 000 minutes d’appel sur Skype ; près de 100 000 messages publiés sur Twitter ; 13 000 heures de musique écoutées sur Pandora ; 13 000 applications téléchargées sur l’AppStore pour iPhone et iPad d’Apple.

Vu le succès des sites communautaires, des plateformes de distributions de contenus et du Web 2.0 en général, alors que certains services se préparent à intégrer les Boxes ADSL et autres périphériques (Web 3.0), certains pensent à imposer de nouvelles taxes aux entreprises florissantes de l’économie numérique.
Le gouvernement français a ainsi tenté de faire adopter à l’Assemblée nationale une nouvelle taxe incombant aux fournisseurs d’accès, dans le but, selon Numerama, de financer le futur Centre National de la Musique et la production musicale en France. Cette taxe, rejetée par les députés, n’aurait en rien remis en cause le système répressif Hadopi. Pourtant, à bien des égards et comme le souligne de nouveau cette semaine une étude juridique américaine [PDF], la licence globale semble avoir plus d’avantages et moins d’inconvénients que la riposte graduée (qui, en Irlande, soulève des questions relatives à la vie privée des internautes).
Une autre taxe dont on parle de plus en plus (sous le nom de «taxe Google») porterait sur les achats de publicité en ligne. En théorie, l’idée est séduisante puisque l’économie du Web 2.0 repose principalement sur la publicité et que celle-ci génère des revenus considérables. En pratique, cependant, une telle taxe aurait, selon ses détracteurs, porté préjudice aux opérateurs français qui auraient été défavorisés face à leurs concurrents étrangers (l’argument est loin d’être nouveau, mais il est vrai que les géants du Web 2.0 sont américains…). La taxe a donc été supprimée du projet de loi de finances rectificative par l’Assemblée nationale, pour réapparaître au Sénat… affaires à suivre.

Les services de streaming, bien que ne relevant pas exactement du web communautaire, ont le vent en poupe. Ils sont aussi dans le collimateur des ayants droit… Ainsi, le site espagnol Rojadirecta, dont nous avions parlé en février (v. n°43), avait été «neutralisé» par le gouvernement américain dans une opération anticontrefaçon de grande envergure, et il passe aujourd’hui à la contre-offensive. Le nom de domaine avait en effet été saisi par les autorités américaines, et le site espagnol vient de saisir la justice américaine pour le récupérer. Rappelons que le nom de domaine en question est générique (.com) et ne vise pas particulièrement le public américain, et que le site lui-même a été jugé licite par la justice espagnole. Voilà donc une bataille qui promet d’être intéressante. Mais elle est loin d’être gagnée pour le site espagnol, car la pénalisation du streaming est une idée qui fait progressivement son chemin aux États-Unis, comme en témoigne le récent projet de loi Commercial Felony Streaming Act (qui est soutenu conjointement par l’administration Obama et par les majors hollywoodiens).

Paradoxalement, alors que les coups bas sont permis lorsqu’il s’agit de défendre l’argent généré par les droits de propriété intellectuelle, l’administration américaine envisage de créer un «Internet fantôme» afin de déjouer la censure dans les États où l’expression n’est pas libre.

La France, quant à elle, n’est pas à la traine, on le sait, en matière de répression du téléchargement illicite et de filtrage. Nous parlions en mai (v. n° 60) d’un rapport de l’ONU condamnant à la fois la coupure d’accès à Internet (loi Hadopi) et le filtrage (lois Loppsi 2 et sur la régulation des jeux en ligne – à ce propos, l’on apprend cette semaine que les FAI français ont fait appel de la décision rendue dans l’affaire 5dimes.com (v. n°56) et ont posé une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) dans l’affaire Stanjames – v. n°s 17, 18 et 53). Nous apprenons cette semaine que ledit rapport a été approuvé par 41 pays, mais pas la France (ni le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Allemagne, l’Italie et la Belgique) ; parmi ces pays ayant approuvé le rapport, l’on trouve notamment les États-Unis, l’Inde, le Brésil, le Japon, la Turquie et le Mexique.

Pis, et c’est l’actualité la plus importante de la semaine, en France et dans notre domaine, un projet de décret vise à permettre le filtrage administratif (sans recourir au juge) d’Internet. Le principe est le suivant : l’article 18 de la Loi pour la Confiance dans l’Économie Numérique (s’il reste encore de la confiance, après de tels décrets) de 2004, issu d’une modification de 2007, permet à l’administration de prévenir ou de faire cesser la diffusion de contenus sur le réseau, pour divers motifs (sécurité publique, protection des mineurs, protection des consommateurs, etc.). Le système fonctionne en 3 temps : d’abord, une injonction de faire cesser la diffusion du contenu litigieux à son éditeur, puis une injonction de mise hors ligne ou de filtrage à l’hébergeur de ce contenu, enfin, en cas d’échec des mesures précédentes, une injonction de filtrage aux fournisseurs d’accès (FAI). Les rédacteurs du décret, qui justifient l’injonction de filtrage destinée aux FAI par «l’urgence de la situation», ont dû oublier que l’action en référé est justement prévue pour répondre à l’urgence. Le projet de décret devra être examiné par le tout nouveau Conseil National du Numérique (CNN).

Finissons avec les suites de l’arrêt Padawan de la CJUE (v. n°28) en France : dans une décision du 17 juin 2011 [PDF], le Conseil d’État a annulé la délibération n°11 (datant du 17 décembre 2008) de la commission copie privée, qui fixait le montant de la rémunération pour la copie privée pour de nombreux appareils. La CJUE avait décidé que la rémunération de la copie privée ne pouvait pas s’appliquer aux supports achetés et utilisés par les professionnels qui ne réalisent pas de copie privée, et le Conseil d’État vient de tirer les conséquences de cette décision en droit français.