Numéro 28 - Semaine du 18 au 24 octobre 2010

dimanche 24 octobre 2010

Au sommaire cette semaine, la taxe pour la copie privée espagnole devant la CJUE et la protection de la vie privée et des données personnelles sur Internet.

La taxe pour la copie privée devant la CJUE

L’actualité de la semaine est dominée par un arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) sur la taxe pour la copie privée espagnole.

Le droit d’auteur confère à l’auteur un monopole sur son oeuvre : il est le seul à pouvoir déterminer les conditions d’utilisation ou d’exploitation de son oeuvre (il peut céder certains de ses droits, sous certaines conditions). Lorsqu’on achète le CD d’un album musical ou le DVD d’un film, une partie du prix payé est reversée à l’auteur. Cependant, il existe certaines exceptions au monopole. L’auteur ne peut ainsi empêcher qu’une personne ayant acheté son oeuvre sur CD ou DVD en fasse une copie privée. Une telle copie est exceptionnellement licite ; elle ne constitue pas une contrefaçon de l’oeuvre. Il est important de comprendre qu’en droit positif (en France, selon la jurisprudence), la copie privée est une exception au monopole de l’auteur, et non un droit des tiers. L’existence de l’exception de copie privée entraîne un manque à gagner pour l’auteur : une personne qui possède un CD le copiera plutôt que de l’acheter à nouveau, s’il veut l’écouter à la fois chez lui et dans sa voiture. La taxe pour la copie privée a pour vocation de compenser ce manque à gagner.

La taxe pour la copie privée porte sur les supports vierges qui permettent de réaliser des copies privées : les CD et DVD vierges, les disques durs, les baladeurs numériques, etc. Elle est fondée sur une présomption d’usage du support acheté pour réaliser la copie privée d’une oeuvre protégée par les droits d’auteur. C’est probablement son aspect le plus contestable (et le plus contesté), car tous les supports vierges ne sont pas utilisés pour copier des oeuvres. Mais la taxe touche aussi bien le DVD acheté par un particulier pour copier un film que celui acheté pour archiver des photos de vacances. Elle touche aussi bien le disque dur acheté pour stocker une bibliothèque musicale que celui acheté pour stocker des lettres rédigées dans un logiciel de traitement de texte. La taxe sur la copie privée repose sur le mutualisme.

L’arrêt de la CJUE remet en cause la présomption d’usage du support vierge à des fins de copie privée, pour les professionnels qui ne réalisent pas de copies d’oeuvres protégées par le droit d’auteur. La remise en cause de la présomption est donc doublement limitée. Elle ne s’applique d’une part qu’aux professionnels (entreprises et administrations), à l’exclusion des particuliers ; et, d’autre part, elle ne s’applique qu’aux professionnels qui ne réalisent pas de copie privée, par exemple les hôpitaux qui stockent sur support numérique les archives des radiographies ou des scanners de leurs patients.

Extraits
44 Or, la réalisation d’une copie par une personne physique agissant à titre privé doit être considérée comme un acte de nature à engendrer un préjudice pour l’auteur de l’œuvre concernée.

45 Il s’ensuit que la personne ayant causé le préjudice au titulaire exclusif du droit de reproduction est celle qui réalise, pour son usage privé, une telle reproduction d’une œuvre protégée sans solliciter l’autorisation préalable dudit titulaire. Il incombe dès lors, en principe, à cette personne de réparer le préjudice lié à cette reproduction, en finançant la compensation qui sera versée à ce titulaire.

46 Cela étant, compte tenu des difficultés pratiques pour identifier les utilisateurs privés ainsi que pour les obliger à indemniser les titulaires des droits du préjudice qu’ils leur causent et eu égard au fait que le préjudice qui peut découler de chaque utilisation privée, considérée individuellement, peut s’avérer minime et, dès lors, ne pas donner naissance à une obligation de paiement, comme l’indique la dernière phrase du trente-cinquième considérant de la directive 2001/29, il est loisible aux États membres d’instaurer, aux fins du financement de la compensation équitable, une «redevance pour copie privée» à la charge non pas des personnes privées concernées, mais de celles qui disposent d’équipements, d’appareils et de supports de reproduction numérique et qui, à ce titre, en droit ou en fait, mettent ces équipements à la disposition de personnes privées ou rendent à ces dernières un service de reproduction. Dans le cadre d’un tel système, c’est aux personnes disposant de ces équipements qu’il incombe d’acquitter la redevance pour copie privée.

(…)

52 Il convient de constater d’emblée qu’un système de financement de la compensation équitable tel que celui exposé aux points 46 et 48 du présent arrêt n’est compatible avec les exigences du «juste équilibre» que si les équipements, appareils et supports de reproduction en cause sont susceptibles d’être utilisés à des fins de copie privée et, partant, de causer un préjudice à l’auteur de l’œuvre protégée. Il existe donc, eu égard à ces exigences, un lien nécessaire entre l’application de la redevance pour copie privée à l’égard desdits équipements, appareils et supports de reproduction numérique et l’usage de ces derniers à des fins de reproduction privée.

53 Par conséquent, l’application sans distinction de la redevance pour copie privée à l’égard de tous les types d’équipements, d’appareils et de supports de reproduction numérique, y compris dans l’hypothèse, explicitement évoquée par la juridiction de renvoi, où ceux-ci sont acquis par des personnes autres que des personnes physiques, à des fins manifestement étrangères à celle de copie privée, ne s’avère pas conforme à l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2001/29.

54 En revanche, dès lors que les équipements en cause ont été mis à la disposition des personnes physiques à des fins privées, il n’est nullement nécessaire d’établir que celles-ci ont effectivement réalisé des copies privées à l’aide de ces derniers et ont ainsi effectivement causé un préjudice à l’auteur de l’œuvre protégée.

55 En effet, ces personnes physiques sont légitimement présumées bénéficier intégralement de cette mise à disposition, c’est-à-dire qu’elles sont censées exploiter la plénitude des fonctions associées auxdits équipements, y compris celle de reproduction.

56 Il s’ensuit que la simple capacité de ces équipements ou de ces appareils à réaliser des copies suffit à justifier l’application de la redevance pour copie privée, à la condition que lesdits équipements ou appareils aient été mis à disposition des personnes physiques en tant qu’utilisateurs privés.

Protection des données personnelles

Facebook est de nouveau sur la sellette. L’opérateur américain affirme adhérer aux Safe Harbor Principles, charte permettant aux entreprises américaines y adhérant de recevoir des données personnelles en provenance d’Europe. Pourtant, l’examen des conditions d’utilisation du site révèle que Facebook ne respecte pas tous les principes du Safe Harbor.

Outre ce premier problème structurel, le réseau social peut mettre ponctuellement en danger le droit à la vie privée des internautes. C’est le cas cette semaine où l’on apprend que l’application FarmVille, utilisable dans Facebook, a transmis les informations personnelles de ses utilisateurs à divers annonceurs(en), en violation des conditions d’utilisation du réseau social. Facebook juge la polémique autour de cette affaire exagérée. Une plainte a toutefois été déposée, aux États-Unis, contre une société accusée d’avoir exploité les données personnelles des internautes grâce à Facebook et sans leur consentement. Mieux encore, l’affaire semble avoir attiré l’attention du Congrès américain(en). En droit américain, la législation protège la vie privée des individus contre les ingérences réalisées par les personnes publiques. Les préjudices causés par les personnes privées sont quant à eux réparés par le droit de la responsabilité (tort law), et la protection des données est laissée à l’auto-régulation par le marché. Cette situation pourrait changer dans le futur, le législateur américain s’intéressant de plus en plus à l’exploitation commerciale des données des internautes par les réseaux sociaux.

Au sommaire cette semaine, la taxe pour la copie privée espagnole devant la CJUE et la protection de la vie privée et des données personnelles sur Internet.

La taxe pour la copie privée devant la CJUE

L’actualité de la semaine est dominée par un arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) sur la taxe pour la copie privée espagnole.

Le droit d’auteur confère à l’auteur un monopole sur son oeuvre : il est le seul à pouvoir déterminer les conditions d’utilisation ou d’exploitation de son oeuvre (il peut céder certains de ses droits, sous certaines conditions). Lorsqu’on achète le CD d’un album musical ou le DVD d’un film, une partie du prix payé est reversée à l’auteur. Cependant, il existe certaines exceptions au monopole. L’auteur ne peut ainsi empêcher qu’une personne ayant acheté son oeuvre sur CD ou DVD en fasse une copie privée. Une telle copie est exceptionnellement licite ; elle ne constitue pas une contrefaçon de l’oeuvre. Il est important de comprendre qu’en droit positif (en France, selon la jurisprudence), la copie privée est une exception au monopole de l’auteur, et non un droit des tiers. L’existence de l’exception de copie privée entraîne un manque à gagner pour l’auteur : une personne qui possède un CD le copiera plutôt que de l’acheter à nouveau, s’il veut l’écouter à la fois chez lui et dans sa voiture. La taxe pour la copie privée a pour vocation de compenser ce manque à gagner.

La taxe pour la copie privée porte sur les supports vierges qui permettent de réaliser des copies privées : les CD et DVD vierges, les disques durs, les baladeurs numériques, etc. Elle est fondée sur une présomption d’usage du support acheté pour réaliser la copie privée d’une oeuvre protégée par les droits d’auteur. C’est probablement son aspect le plus contestable (et le plus contesté), car tous les supports vierges ne sont pas utilisés pour copier des oeuvres. Mais la taxe touche aussi bien le DVD acheté par un particulier pour copier un film que celui acheté pour archiver des photos de vacances. Elle touche aussi bien le disque dur acheté pour stocker une bibliothèque musicale que celui acheté pour stocker des lettres rédigées dans un logiciel de traitement de texte. La taxe sur la copie privée repose sur le mutualisme.

L’arrêt de la CJUE remet en cause la présomption d’usage du support vierge à des fins de copie privée, pour les professionnels qui ne réalisent pas de copies d’oeuvres protégées par le droit d’auteur. La remise en cause de la présomption est donc doublement limitée. Elle ne s’applique d’une part qu’aux professionnels (entreprises et administrations), à l’exclusion des particuliers ; et, d’autre part, elle ne s’applique qu’aux professionnels qui ne réalisent pas de copie privée, par exemple les hôpitaux qui stockent sur support numérique les archives des radiographies ou des scanners de leurs patients.

Extraits
44 Or, la réalisation d’une copie par une personne physique agissant à titre privé doit être considérée comme un acte de nature à engendrer un préjudice pour l’auteur de l’œuvre concernée.

45 Il s’ensuit que la personne ayant causé le préjudice au titulaire exclusif du droit de reproduction est celle qui réalise, pour son usage privé, une telle reproduction d’une œuvre protégée sans solliciter l’autorisation préalable dudit titulaire. Il incombe dès lors, en principe, à cette personne de réparer le préjudice lié à cette reproduction, en finançant la compensation qui sera versée à ce titulaire.

46 Cela étant, compte tenu des difficultés pratiques pour identifier les utilisateurs privés ainsi que pour les obliger à indemniser les titulaires des droits du préjudice qu’ils leur causent et eu égard au fait que le préjudice qui peut découler de chaque utilisation privée, considérée individuellement, peut s’avérer minime et, dès lors, ne pas donner naissance à une obligation de paiement, comme l’indique la dernière phrase du trente-cinquième considérant de la directive 2001/29, il est loisible aux États membres d’instaurer, aux fins du financement de la compensation équitable, une «redevance pour copie privée» à la charge non pas des personnes privées concernées, mais de celles qui disposent d’équipements, d’appareils et de supports de reproduction numérique et qui, à ce titre, en droit ou en fait, mettent ces équipements à la disposition de personnes privées ou rendent à ces dernières un service de reproduction. Dans le cadre d’un tel système, c’est aux personnes disposant de ces équipements qu’il incombe d’acquitter la redevance pour copie privée.

(…)

52 Il convient de constater d’emblée qu’un système de financement de la compensation équitable tel que celui exposé aux points 46 et 48 du présent arrêt n’est compatible avec les exigences du «juste équilibre» que si les équipements, appareils et supports de reproduction en cause sont susceptibles d’être utilisés à des fins de copie privée et, partant, de causer un préjudice à l’auteur de l’œuvre protégée. Il existe donc, eu égard à ces exigences, un lien nécessaire entre l’application de la redevance pour copie privée à l’égard desdits équipements, appareils et supports de reproduction numérique et l’usage de ces derniers à des fins de reproduction privée.

53 Par conséquent, l’application sans distinction de la redevance pour copie privée à l’égard de tous les types d’équipements, d’appareils et de supports de reproduction numérique, y compris dans l’hypothèse, explicitement évoquée par la juridiction de renvoi, où ceux-ci sont acquis par des personnes autres que des personnes physiques, à des fins manifestement étrangères à celle de copie privée, ne s’avère pas conforme à l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2001/29.

54 En revanche, dès lors que les équipements en cause ont été mis à la disposition des personnes physiques à des fins privées, il n’est nullement nécessaire d’établir que celles-ci ont effectivement réalisé des copies privées à l’aide de ces derniers et ont ainsi effectivement causé un préjudice à l’auteur de l’œuvre protégée.

55 En effet, ces personnes physiques sont légitimement présumées bénéficier intégralement de cette mise à disposition, c’est-à-dire qu’elles sont censées exploiter la plénitude des fonctions associées auxdits équipements, y compris celle de reproduction.

56 Il s’ensuit que la simple capacité de ces équipements ou de ces appareils à réaliser des copies suffit à justifier l’application de la redevance pour copie privée, à la condition que lesdits équipements ou appareils aient été mis à disposition des personnes physiques en tant qu’utilisateurs privés.

Protection des données personnelles

Facebook est de nouveau sur la sellette. L’opérateur américain affirme adhérer aux Safe Harbor Principles, charte permettant aux entreprises américaines y adhérant de recevoir des données personnelles en provenance d’Europe. Pourtant, l’examen des conditions d’utilisation du site révèle que Facebook ne respecte pas tous les principes du Safe Harbor.

Outre ce premier problème structurel, le réseau social peut mettre ponctuellement en danger le droit à la vie privée des internautes. C’est le cas cette semaine où l’on apprend que l’application FarmVille, utilisable dans Facebook, a transmis les informations personnelles de ses utilisateurs à divers annonceurs(en), en violation des conditions d’utilisation du réseau social. Facebook juge la polémique autour de cette affaire exagérée. Une plainte a toutefois été déposée, aux États-Unis, contre une société accusée d’avoir exploité les données personnelles des internautes grâce à Facebook et sans leur consentement. Mieux encore, l’affaire semble avoir attiré l’attention du Congrès américain(en). En droit américain, la législation protège la vie privée des individus contre les ingérences réalisées par les personnes publiques. Les préjudices causés par les personnes privées sont quant à eux réparés par le droit de la responsabilité (tort law), et la protection des données est laissée à l’auto-régulation par le marché. Cette situation pourrait changer dans le futur, le législateur américain s’intéressant de plus en plus à l’exploitation commerciale des données des internautes par les réseaux sociaux.