Les petits mensonges de Microsoft

mercredi 9 septembre 2009

Un blog américain affiche des photographies d'un slideshow destiné aux vendeurs de matériel et de logiciels informatiques, qui compare Windows à Linux et au Macintosh. Cette comparaison est un énorme mensonge. Microsoft fait preuve d'une telle mauvaise foi, qu'il est difficile de ne pas y réagir.

Un blog américain affiche des photographies d’un slideshow destiné aux vendeurs de matériel et de logiciels informatiques, qui compare Windows à Linux et au Macintosh. Cette comparaison est un énorme mensonge. Microsoft fait preuve d’une telle mauvaise foi, qu’il est difficile de ne pas y réagir.

Linux11

Première image. On compare ici la sécurité. Windows a la réputation d’être le système le moins sûr du marché, et cette réputation est largement méritée. Ce n’est pas forcément la faute de Microsoft, mais c’est néanmoins un fait (connu, et admis).

On passera sur la forme utilisée, un quizz, qui ne fait que rendre le mensonge encore plus honteux en tendant de lui donner une apparence d’objectivité.

Sur le fond, Microsoft se fonde sur deux arguments :
1) Il n’y a aucune garantie que les failles de sécurité soient corrigées lorsqu’elles sont découvertes.
2) Il n’y a pas de restriction parentale.

Voyons ces deux arguments, avant de parler de ce que Microsoft ne dit pas. Le premier argument avancé est complètement faux. Microsoft met régulièrement en ligne des mises à jour de sécurité de Windows, mais certains distributeurs de Linux font de même (Ubuntu, par exemple). En outre, il existe une énorme différence entre les logiciels Windows et les «paquets» Linux : les failles dans les logiciels propriétaires Windows doivent être corrigées par l’éditeur du logiciel, alors que la communauté corrige les failles des logiciels Linux. Les failles sur Linux sont donc généralement corrigées plus rapidement que les failles sous Windows. Microsoft fonde donc son mensonge sur une vérité : il est vrai que la plupart des mises à jour sous Linux ne sont pas apportées sur un plateau à l’utilisateur ; celui-ci doit s’investir un minimum pour maintenir son système à jour ; cependant, s’il se tient informé, il pourra corriger les failles plus vite et plus efficacement que sous Windows.

Le second argument n’est pas plus pertinent. Il n’existe certes pas de logiciel grand public pour restreindre l’accès à certaines fonctions de l’ordinateur en fonction de l’utilisateur connecté, mais c’est parce que ces restrictions sont intégrées au système. Linux est un Unix, et Unix repose sur un système de droits très évolué : il est possible de définir très précisément ce que chaque utilisateur peut ou ne peut pas faire.

Ce que Microsoft ne dit pas, c’est que l’absence d’un tel système de droits sur Windows fut, pendant longtemps, une source d’insécurité. Sous Linux, l’utilisateur lambda ne peut pas, en principe, effacer les fichiers composant le coeur du système, alors qu’il peut le faire assez facilement sous Windows – techniquement, dans les anciennes versions de Windows il n’y avait pas de sécurité spécifique et, dans les nouvelles versions, l’utilisateur qui installe le système doit juste valider un message, en cliquant sur «ok», pour acquérir les droits d’administrateur.

Microsoft ne parle pas non plus des logiciels malveillants. Les «failles de sécurité» sont importantes pour les administrateurs de serveurs, car elles permettent à une personne mal intentionnée de pénétrer le système et de le modifier. En revanche, pour les particuliers (= qui ne font pas tourner de serveur sur leur machine), elles n’ont que peu d’importance. En revanche, pour les particuliers, les virus et autres programmes malveillants, sont la principale source d’insécurité. Et tout le monde sait bien que les virus foisonnent sous Windows par milliers alors qu’ils sont extrèmement rares sous Linux et Mac.

Conclusion : les deux arguments invoqués par Microsoft sont fallacieux, et la conclusion est erronée. Linux est sans aucun doute possible plus sûr que Windows.

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Le deuxième slide porte sur la facilité d’apprentissage et d’utilisation des deux systèmes. Linux a la réputation d’être réservé aux experts, et Microsoft joue là dessus. Encore une fois, Microsoft prend une vérité et la déforme pour former son mensonge.

Il est vrai que Linux est plus difficile à utiliser que Windows. Il faut apprendre des commandes de console, s’adapter à un fonctionnement plus rigide (arborescence des fichiers, permissions, etc), et rechercher le logiciel qui permet de faire ce que l’on veut faire, au lieu de lancer bêtement «un des logiciels de la suite Office»…

En revanche, les deux arguments invoqués sont fallacieux. Le premier argument est l’absence de documentation de te tutoriel «pas-à-pas» sous Linux. C’est faux. On peut certes dire que le contenu de l’aide directe des logiciels Linux (accessible dans le menu «aide» de la fenêtre du logiciel) est moins fournie que celle des logiciels Windows. On peut également dire que le site web de Microsoft centralise de nombreux articles d’aide à l’utilisation. Avec Linux, ces articles ne sont pas centralisés sur un site unique, mais cela ne veut pas dire qu’ils n’existent pas. La communauté Linux est très active. Le wiki français d’Ubuntu, par exemple, contient une page pour chacun des logiciels les plus utilisés sous Linux, et cette page présente clairement comment installer le logiciel, comme l’utiliser, et comment résoudre les problèmes courants.

Il y a beaucoup de logiciels Windows, et ce n’est pas dans la documentation officielle que l’on trouvera la solution au conflit créé par le partage d’une DLL entre deux logiciels. Sous Linux, en revanche, on trouve facilement de l’aide pour interpréter les messages d’erreur des logiciels et résoudre les problèmes, non pas parce qu’il y a moins de logiciels, mais parce que ceux-ci sont maintenus de manière cohérente par la communauté (p.ex. Canonical).

Le second argument ne convainc pas non plus. Il y a certes plusieurs distributions Linux mais les points communs entre elles sont nombreux. Elles partagent toutes la même philosophie et elles partagent aussi, parfois, les mêmes structures (p.ex. les RPMs pour Mandriva et Fedora, ou les paquets DEB pour Debian et Ubuntu). Il y a certainement moins de différence entre Mandriva et Ubuntu qu’entre Windows XP et Windows 7.

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Le troisième slide porte sur les logiciels. Il y a moins de logiciels sous Linux que sous Windows, c’est un fait. Mais sous Linux, il n’y a pas d’arnaque (vous savez, le shareware que vous avez acheté et qui ne fonctionne pas) et l’immense majorité des logiciels sont gratuits. Pas besoin d’avoir 18 logiciels qui font la même chose… un seul suffit lorsqu’il est efficace, et c’est le cas des logiciels libres.

Le comparatif de Microsoft ignore complètement la réalité. Ce n’est pas parce que les solutions Microsoft n’ont pas été portées sur Linux (par exemple, MSN Messenger) qu’il n’existe pas d’alternative (par exemple, Pidgin).

Quant à la fameuse «software compatibility», c’est une bonne blague venant de Redmond. Microsoft a en effet tenté par tous les moyens d’imposer ses technologies et ses formats propriétaires dès qu’elle le pouvait – et parfois avec un grand succès, comme pour le .doc de Word. A l’inverse, les logiciels Linux utilisent en priorité des technologies et des formats libres (OpenDocument, pour reprendre l’exemple des traitements de texte).

En réalité, Microsoft entend par «compatibilité» le fait de pouvoir lire un fichier sur différents ordinateurs. Mais il y a une autre définition de la compatibilité : pouvoir lire un fichier à l’aide de logiciels différents, sur des systèmes différents. Microsoft vend des logiciels : elle empêche donc dès qu’elle le peut les autres éditeurs de lire les fichiers que génèrent ses logiciels, afin de forcer les consommateurs à les acheter ; d’un autre côté, elle met en avant la première définition de la compatibilité, afin d’inciter les consommateurs à installer Windows. Bref, la compatibilité à la sauce Microsoft, c’est le fait pour votre voisin de pouvoir lire avec Word 2007 sur son ordinateur tournant sous Windows XP, un fichier que vous avez créé avec Word 2007 sur votre ordinateur tournant sous Windows XP. A la sauce Linux, c’est tout simplement de pouvoir lire n’importe quel fichier, quel que soit le logiciel et l’ordinateur qui a servi à le créer.

En conclusion, je dirais que Microsoft s’abaisse bien bas en utilisant de tels mensonges. La société ferait mieux de chercher à améliorer ses produits, plutôt que de dénigrer la concurrence. Le mensonge est tellement gros qu’il peinera à convaincre. A l’inverse, si Microsoft avait réalisé un comparatif véritablement objectif, en admettant que Linux a des forces et Windows des faiblesses, l’exposé des points forts de Windows –car il y en a– aurait été beaucoup plus crédible.

Sources :
- http://linuxinnovations.blogspot.com/2009/09/microshit-trains-bestbuy-employees-to.html
- http://www.numerama.com/magazine/13848-microsoft-denigre-linux-pour-mieux-vendre-windows-7.html

A Paris, le 9 septembre 2009.