La loi Hadopi rejetée par l'Assemblée Nationale

jeudi 9 avril 2009

Une fois n'est pas coutume, les députés de l'Assemblée Nationale ont refusé de voter une loi proposée par le gouvernement. Il s'agit de la tristement célèbre loi « Création et Internet », dite Hadopi. On ne peut que se réjouir du rejet de cette loi liberticide et inique, et espérer que le gouvernement ne tentera pas de la réintroduire dans sa rédaction issue de la Commission mixte paritaire.

Une fois n’est pas coutume, les députés de l’Assemblée Nationale ont refusé de voter une loi proposée par le gouvernement. Il s’agit de la tristement célèbre loi « Création et Internet », dite Hadopi. On ne peut que se réjouir du rejet de cette loi liberticide et inique, et espérer que le gouvernement ne tentera pas de la réintroduire dans sa rédaction issue de la Commission mixte paritaire.


Aujourd’hui à 13h04, le projet de loi Hadopi, instaurant la « riposte graduée » contre les internautes téléchargeant des œuvres protégées par le droit d’auteur depuis Internet, a été rejeté en lecture définitive, par 21 voix contre 15. Ce rejet est la conséquence directe de l’absentéisme des députés de la majorité UMP, favorable à la loi.</p>

Comment expliquer un tel absentéisme ? Plusieurs raisons peuvent être invoquées. Le désintérêt pour une telle loi, qui finalement ne déchaîne les passions que de la blogosphère, ou les autres occupations de nos élus, qui les retiennent hors de l’hémicycle. Mais surtout -la véritable raison-, le refus de nombreux députés de la majorité de se plier à la bonne volonté du gouvernement en votant une loi qui ne les convainc pas.

Si la loi Hadopi ne convainc pas, c’est parce qu’elle est à la fois inefficace et profondément injuste.

L’inefficacité de la « riposte graduée » est évidente. La technologie permettant de rendre cette disposition inutilisable existe déjà. En effet, pour actionner la riposte graduée et « couper » la connexion d’un internaute, il faut à la fois identifier la personne physique titulaire de l’accès à partir duquel le fichier litigieux a été téléchargé, et identifier la source du téléchargement -c’est-à-dire s’assurer qu’il s’agit bien d’une contrefaçon et non d’un fichier licite-. Or, si cette double identification est possible lorsque le téléchargement a lieu à partir des réseaux P2P classiques (eDonkey, trackers Torrent, Gnutella, etc.), elle ne l’est plus lorsque la connexion entre l’émetteur du fichier et son destinataire est chiffrée. Tel est le cas des téléchargements effectués depuis les réseaux P2P anonymes ou sécurisés, ou plus généralement depuis les newsgroups Usenet à l’aide d’une connexion SSL.

L’évolution de la technologie et l’utilisation de connexions chiffrées rendent par avance inefficace tout dispositif qui nécessite l’identification du contenu transmis. Même le filtrage des paquets -c’est-à-dire l’analyse des données qui transitent par la connexion Internet- est inefficace lorsque l’internaute sécurise sa connexion.

Mais ce n’est pas tout. Une loi totalement inefficace ou inappliquée ne ferait pas grand mal. Si la loi Hadopi est nuisible, c’est qu’elle contient des dispositions qui sanctionnent les internautes au lieu de s’attaquer aux véritables « pirates » qui sont à l’origine de la mise à disposition des contenus contrefaits. Nul doute que si la loi entrait en vigueur en l’état, certains internautes -pauvres d’eux!- se trouveraient pris dans le piège injuste mis en place par le gouvernement dans le seul but de défendre à leur détriment les intérêts des majors de l’industrie musicale et cinématographique.

On rappellera que la version de la loi Hadopi issue de la Commission mixte paritaire supprime -entre autres- l’amendement introduit à l’Assemblée visant à libérer l’internaute dont la connexion a été coupée de son obligation de payer le prix de l’abonnement à son fournisseur d’accès. L’internaute tombant dans les griffes de l’Hadopi serait donc puni deux fois : par la coupure de l’accès à Internet, et par l’obligation de continuer à payer le prix de cette connexion. Cela est profondément injuste et ce n’est pas sans raison que le principe fondamental non bis in idem, à valeur constitutionnelle, interdit de sanctionner une personne plusieurs fois pour les mêmes faits.

Le maintien de l’obligation de payer s’explique certainement par la volonté du gouvernement de satisfaire les fournisseurs d’accès. Ceux-ci s’opposaient en effet à la version de la loi Hadopi issue de l’Assemblée, qui les privait d’un revenu tout en faisant d’eux les instruments d’une punition prononcée à l’encontre de leurs clients.

À défaut d’être utile dans le domaine qu’elle prétend régir, et faute d’être juste, la loi Hadopi révèle très clairement les véritables objectifs de notre gouvernement, qui a bien volontiers cédé au lobby des grands industriels.

Espérons que le débat puisse continuer et que les obstacles se multiplient afin que la loi Hadopi ne voie jamais le jour. Espérons également que nos dirigeants finissent pas comprendre qu’une loi qui va à l’encontre d’une pratique socialement admise ne doit pas être.

à Paris le 26 avril 2009