Traitements de texte Mac: la galère

dimanche 22 juillet 2007

Trouver un bon logiciel de traitement de texte sur Mac, c’est la galère. Il n’y a qu’à regarder l’icône de NeoOffice pour s’en convaincre. Il y a certes de bons programmes, mais aucun n’est parfait. Et les problèmes que chacun présente sont toujours de gros problèmes. Dans ma recherche du meilleur traitement de texte possible, j’ai pu essayer Word, OpenOffice, NeoOffice, Mellel, Nisus Writer Pro et Apple Pages. J’ai envie de décrire ici ce que sont à mon sens les points forts et les points faibles de chacun de ces logiciels. On parlera d’abord de ceux qu’on élimine sans hésitation, tellement ils sont médiocres. Passent à la moulinette Pages et OpenOffice. On verra ensuite les incontournables qu’on aimerait bien contourner, les habituels logiciels qu’on aimerait bien pouvoir abandonner. Il s’agit de Word et de NeoOffice. Finalement, Mellel et Nisus Writer Pro (NWP) sont ceux qu’on aimerait aimer mais qu’on aimerait meilleurs.

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Trouver un bon logiciel de traitement de texte sur Mac, c’est la galère. Il n’y a qu’à regarder l’icône de NeoOffice pour s’en convaincre. Il y a certes de bons programmes, mais aucun n’est parfait. Et les problèmes que chacun présente sont toujours de gros problèmes. Dans ma recherche du meilleur traitement de texte possible, j’ai pu essayer Word, OpenOffice, NeoOffice, Mellel, Nisus Writer Pro et Apple Pages. J’ai envie de décrire ici ce que sont à mon sens les points forts et les points faibles de chacun de ces logiciels.

On parlera d’abord de ceux qu’on élimine sans hésitation, tellement ils sont médiocres. Passent à la moulinette Pages et OpenOffice. On verra ensuite les incontournables qu’on aimerait bien contourner, les habituels logiciels qu’on aimerait bien pouvoir abandonner. Il s’agit de Word et de NeoOffice. Finalement, Mellel et Nisus Writer Pro (NWP) sont ceux qu’on aimerait aimer mais qu’on aimerait meilleurs.

Ceux dont on ne veut pas entendre parler

Pages

Je ne veux pas entendre parler de Pages. Ce n’est pas un logiciel de traitement de texte. Soyons clairs: j’adore Apple – j’ai 3 iPods et 2 Macs, pas encore d’iPhone –, le Mac et les logiciels pour Mac, mais je déteste Pages. C’est un logiciel pour les gens qui veulent réaliser des brochures ou des newsletters (qu’on traduit par «lettres de diffusion», ce qui est une mauvaise traduction et ne veut pas dire grand chose – on devrait dire «lettres d’information») avec des blocs de texte et des images étrangement orientées et placées en plein milieu de la page. Je ne connais pas beaucoup de gens qui veulent faire cela. Et de toute façon, les gens qui veulent faire cela n’utilisent pas Pages – pour faire vite, un éditeur HTML, pour faire bien InDesign ou XPress.

La force de Pages est donc aussi sa faiblesse : il est conçu pour un public qui n’existe que dans l’imagination de ses concepteurs. Qui connaît quelqu’un dans son entourage qui utilise un Mac et a besoin de faire des brochures, livrets ou newsletters sous Pages ? Et qui connaît les résultats du prochain Loto ?

Tout cela ne serait pas si grave si Pages pouvait convenir à un autre public. Mais ce n’est malheureusement pas le cas : ce logiciel ne contient aucune fonction « avancée ». On entend par « fonction avancée » les fonctions qui différencient un éditeur de texte (« text editor ») d’un logiciel de traitement de texte (« word processor ») : césure, formatage avancé des paragraphes (veuves et orphelines, etc.), styles de paragraphes, de caractères et de pages, en-têtes et pieds de page avec variables, système de titre et hiérarchisation (« outlining »), références croisées, indexation, notes en bas de page et en fin de document, gestion – et non « support » qui serait une mauvaise traduction – des polices OpenType (v. plus bas), etc. La plupart de ces fonctions classiques pour un traitement de texte digne de ce nom sont absentes de Pages.

Pages a d’autres problèmes. Parmi ses très nombreux défauts, je n’en citerai que deux. Pas besoin d’aller plus loin : ce sont les deux défauts les plus graves pour un traitement de texte. Il s’agit, d’une part, du format natif propriétaire utilisé pour l’enregistrement des documents et, d’autre part, du manque de réactivité de la zone de texte. Pages utilise en effet un format propriétaire qui ruine l’interopérabilité des documents qu’il crée : ceux-ci ne seront lisibles que par lui, sur Mac. Un autre logiciel ne pourra pas les lire, un utilisateur PC n’y aura jamais accès. Et qu’on ne me réponde pas qu’il est possible d’exporter au format RTF ou DOC – ou d’imprimer en PDF –, car il est bien connu que personne ne pense à faire cela. L’immense majorité des gens enregistrent leurs documents dans le format par défaut, sans réfléchir – ce qui donne un bon 99% de fichiers .doc. Et puis, même si on pense à exporter au lieu d’« enregistrer sous », le fichier qui en ressortira ne sera pas identique à l’original : la compatibilité parfaite entre les formats n’existe pas. C’est pourquoi il faut toujours utiliser un format standard – RTF, Open Document, à la rigueur OpenXLM – ; et c’est pourquoi tous les traitements de texte devraient enregistrer par défaut dans un format standard – v. à ce propos l’article OpenDocument et l’interopérabilité des formats: une mauvaise interopérabilité des formats engendre un risque pour le futur.

Dernier défaut de Pages: la réactivité de l’ensemble. Le logiciel se traine véritablement. Il n’est pas réactif, il n’est pas optimisé. Et contraiement à d’autres qui s’avèrent également poussifs, il ne faut pas à Pages un document de 300 pages pour devenir inutilisablepizzawheel !! – ; il lui suffit pour cela d’un document de 30 pages avec quelques images et quelques particularités de formatage !

Pages 3 vient de sortir. Qu’en est-il de cette version ? Pages 3 est beaucoup plus réactif que Pages 2. C’est une très bonne chose que la «pizzawheel» se fasse plus rare. Pages 3 possède également 3 avantages majeurs sur la version 2. Il s’agit des éléments suivants : 1) la gestion du format .docx (OpenXML) de Word 2007/2008 ; 2) la possibilité d’ajouter des notes de suivi ou commentaires aux documents, ce qui est très utile pour le travail collaboratif ; 3) l’apparition d’une nouvelle «vue» : il est désormais possible d’éditer un document en mode «texte à la chaîne», et non plus seulement en mode «présentation et mise en page». C’est vraiment beaucoup mieux pour les documents composés essentiellement de texte, avec peu d’images et une mise en page simple.

OpenOffice

OpenOffice c’est super-tendance. On en parle partout. C’est un peu du « faites ce que je dis, et pas ce que je fais ». Ou, à la sauce informatique : « utilisez le logiciel que je vous dis d’utiliser, n’utilisez pas celui que j’utilise ». Bref, on fait beaucoup de foin autour d’OpenOffice, mais je continue de me demander qui l’utilise véritablement. En fait non, je le sais déjà : les utilisateurs de Linux, et c’est tout. Les linuxiens – moche ! – utilisent OpenOffice parce qu’il n’ont pas d’autre outil à leur disposition. C’est aussi simple que cela. KOffice n’est décidément pas à la hauteur – v. à ce propos l’article OpenDocument et l’interopérabilité des formats : KOffice et OpenOffice: vraiment le même format ? – et OpenOffice est le seul de sa catégorie, en l’absence de MS Word sur cette plateforme. Le raisonnement inverse est valable sous Windows et Mac : il y a de la concurrence, alors pourquoi utiliser OpenOffice ? Tout le drame d’OpenOffice est l’absence cruelle de réponse à cette question.

Il n’y a pas de raison d’utiliser OpenOffice, sinon le goût. Et encore, il faut avoir mauvais goût pour aimer ce logiciel en l’état actuel de son développement. A cela on répondra – comme on peut le lire tous les jours sur les forums de discussion – qu’il ne faut pas critiquer les logiciels opensource car ils sont le fruit du travail bénévoles de volontaires enthousiasmes. Calimero. Firefox est un excellent navigateur, Thunderbird est un logiciel de courrier électronique abominable. Pourtant, ils sont développés tous les deux par la fondation Mozilla. Certains logiciels commerciaux développés par deux personnes sont beaucoup plus efficaces que des logiciels opensource équivalents développé par un bataillon de bénévoles – pas de suspens: il s’agit de Mellel et d’OpenOffice. C’est la vie : certains logiciels sont réussis, d’autres sont ratés. OpenOffice n’est pas réussi.

Le but n’est pas ici de faire la liste des défauts d’OpenOffice. Il y a d’autres comparatifs sur le Web pour cela. Je dirais simplement qu’OpenOffice est, en l’état actuel de son développement (version 2.x), une pâle copie de MS Office 98. Même pas Office 2003, et encore moins Office 2007 (d’ailleurs assez bien réussi !). Non, une vieille version d’Office. Les développeurs d’OpenOffice ont voulu présenter leur produit en alternative de MS Office, leader incontestable et incontesté du marché. Il fallait donc que les utilisateurs aient l’impression d’utiliser MS Office. D’où de nombreuses similarités entre les deux produits. Le problème est que si Microsoft ne met pas souvent à jour ses produits (MS Office 98, 2003, 2007…), les mises à jour ont au moins le mérite d’être importantes, ce qui n’est pas le cas pour OpenOffice. A part la gestion du format OpenDocument, apparue avec la version 2, il n’y a pas eu d’évolution majeure. Le format OpenDocument est certes un standard ISO, mais il n’est pas utilisé. A quoi cela peut-il bien servir d’utiliser un format standardisé si personne ne l’utilise ? A quoi cela peut-il bien servir d’utiliser un format ouvert si aucun autre logiciel (hormis KOffice) ne l’implémente ?

Avec OpenOffice, beaucoup d’éléments qui paraissent être des atouts au début, s’avèrent ensuite être au mieux neutres, le plus souvent des inconvénients. Tel est le cas du format OpenDocument, extraordinaire sur le papier, car standardisé, mais inutile en pratique car inconnu de l’immense majorité des utilisateurs d’applications bureautiques. Tel est aussi le cas du caractère multiplateformes du logiciel. Celui-ci est censé fonctionner aussi bien sous Linux que sous Windows et Mac OS X. Sous Linux, il fonctionne très bien. Et c’est tant mieux. Sous Windows il est lent et lourd. Sous Mac OS X, il passe par X11, ce qui implique une interface moche et réagissant de manière inhabituelle pour un utilisateur Mac – c’est-à-dire que l’interface ne respecte pas les standards du système d’exploitation, tels que le drag & drop (« glisser-déposer »), les filepickers – ou filechoosers – (fenêtres qui permettent de choisir un fichier à ouvrir ou à enregistrer), les polices systèmes (non reconnues sous X11 sauf manipulation particulière), la barre de commandes intégrée à la fenêtre principale, comme sous Windows et Linux, alors qu’elle est détachée de cette fenêtre et se trouve en haut de l’écran sur Mac.

Pourtant OpenOffice a quelques avantages (tout de même !). D’abord, il a beaucoup de fonctions. Plus que cela, du point de vue du nombre de fonctions et des possibilités d’utilisation, c’est le seul traitement de texte qui peut prétendre rivaliser avec Word. D’ailleurs, il lit et écrit le format .doc (et .docx – OpenXML – avec un add-on) de manière tout à fait convenable – mieux que tous les traitements de texte qui ne s’appellent pas Word –. Ensuite, il repose sur un format standardisé ISO, ce qui implique que, même si personne ne l’utilise, il devrait toujours être possible d’ouvrir des fichiers enregistrés dans ce format dans 10 ans. En outre, OpenOffice est développé par une communauté bénévole : il n’y a, a priori, pas de danger que le développement s’arrête du jour au lendemain (risque qui existe avec des logiciels commerciaux qui, faute de rentabilité, peuvent être abandonnés par leur éditeur). Finalement, une version Aqua, native sur Mac, est en cours de développement (en alpha à l’heure où j’écris ces lignes). Si cette version est stable et respecte les standards de présentation et de comportement des interfaces pour Mac, OpenOffice pourrait devenir un bon traitement de texte pour Mac.

Ceux qu’on aimerait oublier

Word

Word est un excellent logiciel. Il faut être honnête : si Microsoft a aujourd’hui suffisamment de poids pour imposer sur le marché un mauvais logiciel – Internet Explorer –, ce n’était pas le cas lorsque MS Office a commencé à dominer son marché. MS Office est une excellente suite de logiciels. Word et Excel sont d’excellents logiciels. C’est pour cette raison qu’ils dominent le marché.

Pourtant, il existe certaines raisons qui peuvent amener un utilisateur à vouloir se séparer de MS Word. C’est particulièrement vrai aujourd’hui sous Mac. Il y a une raison conjoncturelle, et d’autres raisons de fond. La raison conjoncturelle est la suivante : la version 2007 de la suite Office est sortie il y a plusieurs mois déjà sur Windows ; pourtant, la version 2008 (les versions Mac ont toujours une année d’avance dans la numérotation, puisqu’elles sortent après les versions Windows) n’est toujours pas sortie sur Mac. Du coup, il faut faire avec Office 2004. Et Office 2004 n’est pas vraiment agréable à utiliser. D’abord, le logiciel est lent, particulièrement sous Mac Intel – MacTel ou ICBM comme disent certains – puisqu’il est compilé pour PPC et doit passer par l’émulateur Rosetta. Ensuite, il plante. C’est vrai qu’avec les – très – nombreuses couches de correctifs qui se sont empilées sur Word 2004 depuis sa sortie, les plantages sont moins fréquents. Pourtant, Word est par beaucoup d’aspects une « usine à gaz », c’est-à-dire un logiciel rempli de fonctions le plus souvent inutiles qui le ralentissent et le rendent très lourd.

Un autre défaut de Word, issue d’une qualité, est que Word est LE traitement de texte « qui doit tout faire ». Word est le plus complet des traitements de texte, il est dirigé vers tous les publics. A là base, c’est un avantage. Au final, c’est un défaut. C’est un défaut car Word fait un peu tout, mais il ne le fait pas forcément bien. Les étudiants et universitaires n’ont la plupart du temps absolument pas besoin des fonctions d’images, de WordArt, de dessin, de macro, etc. Ils ont besoin de fonctions de gestion bibliographique, des notes en bas de page et de fin paramétrables, des index et des références croisées, etc. Même si Word possède toutes ces fonctions, celles-ci ne sont pas forcément évoluées. Par exemple, il n’est pas possible de paramétrer la présentation de la référence de renvoi en bas de page qui est insérée dans le corps du texte. Ce sera forcément un chiffre arabe en exposant, comme ceci 1 . Mellel, au contraire, permet de définir le format de son choix ; j’utilise les chiffres arabes entre parenthèses, comme ceci (1). Je n’utiliserai pas Word pour un travail qui contient des notes en bas de page, pour la simple raison qu’il ne sait pas faire les notes en bas de page de la manière que je veux. Et je n’ai aucune envie de m’habituer à la manière qu’il m’impose. Pour ce qui est de la gestion des bibliographies, Mellel fait bien mieux grâce à son intégration à l’excellent Bookends – v. à ce propos les articles Le calvaire de la bibliographie sur ordinateur (sur Word et Endnote) et Bibliographie sur ordinateur : ça s’améliore (sur Mellel et Bookends). Un bon point tout de même pour Word qui s’adapte bien à la typographie française, contrairement aux autres traitements de texte présentés ici : Word sait mettre un(e) espace avant et après les guillemets (français), les deux-points, etc. Pour les autres logiciels, il faut taper l’espace manuellement (ce qui est gênant car la barre d’espace insère des espaces pleins alors qu’il faut souvent mettre des demi-espaces, des insécables, etc.).

Un autre défaut majeur de Word est l’utilisation d’un format fermé, impossible à reproduire, le tristement célèbre .doc. Dans la version 2007 de la suite Office (version 2008 sur Mac, pas encore sortie à l’heure actuelle), Microsoft a introduit un nouveau format de fichier, l’OpenXLM à l’extension .docx, réputé ouvert. Cependant, les spécifications de ce format semblent opaques – de manière à empêcher de reproduire à l’identique le comportement de Word, pour que celui-ci reste indispensable… – et rien ne dit qu’il obtiendra la certification ISO (le dossier est actuellement en cours d’analyse). Toujours est-il que la version Mac 2004 de Word reste sur le format DOC habituel, totalement incompatible avec les versions antérieures de Word, et pas forcément compatible avec les versions futures… En tout cas, si le format DOC est très massivement utilisé, ce n’est pas pour autant un standard (même de fait). En effet, rien ne garantit qu’un DOC créé sur un système sera lisible à l’identique sur un autre système. De nombreux problèmes empêchent la compatibilité parfaite d’un fichier DOC sur tous les systèmes. De Mac à PC, il y a déjà un problème d’encodage, car Office 2004 s’obstine à utiliser l’encodage MacRoman au lieu d’utiliser l’UTF-8, ce qui serait pourtant plus raisonnable. Ensuite, les polices ne sont pas intégrées aux fichiers Word : si l’ordinateur hôte ne possède pas la police utilisée dans le document, Word la remplacera par une police générique – la plupart du temps horrible, genre Courrier News, argh ! –. Le format DOC de Word 2004 est aussi « plantogène » : les fichiers sont facilement corruptibles. Et lorsqu’un fichier Word vient à être corrompu, bonne chance pour en récupérer le contenu ! Contrairement au format RTF ou aux différents formats basés sur une grammaire XML – OpenDocument (ODF), OpenXLM (OOXLM), Mellel – le texte brut ( « raw text ») n’est pas extractible des fichiers DOC. Autrement dit, un fichier RTF est corrompu et refuse de s’ouvrir : il suffit de l’ouvrir dans un éditeur de texte brut (a.k.a. NotePad) et de le « bidouiller »pendant quelques minutes pour retrouver le texte original ; l’opération consistera à enlever les informations de formatage, ce qui est long et fastidieux, mais tout à fait faisable. En revanche, si le plantage survient avec un fichier DOC, rien ne sert de tenter de récupérer le texte dans un éditeur de texte brut : s’afficheront des hiéroglyphes informatiques et le contenu du fichier sera bel et bien perdu (à moins de le faire récupérer par des professionnels, contre un lourd financement).

NeoOffice

NeoOffice est une version (« portage ») d’OpenOffice pour Mac. Autrement dit, c’est OpenOffice, mais sans X11. Avec une interface un peu plus « Aqua ». C’est évidemment l’avantage de NeoOffice par rapport à OpenOffice… pour l’instant ! En effet, NeoOffice utilise le langage Java (d’ailleurs exigé dans les spécifications du format OpenDocument… aïe !) qui doit être interprété par une machine virtuelle. Le code s’exécute donc plus lentement que du code natif. Conclusion : pour l’instant, NeoOffice est plus agrérable à utiliser qu’OpenOffice, même s’il est plus lent ; mais dès qu’une version Aqua d’OpenOffice sortira, il est très probable que NeoOffice sera relégué aux oubliettes.

A part l’horrible lenteur (à l’ouverture et à l’utilisation… soit dit en passant, sur mon PowerBook il est tellement lent à s’ouvrir qu’il en devient inutilisable !), NeoOffice présente certains avantages, même par rapport à Word. Par exemple, il peut lire le nouveau format utilisé par Word 2007 Windows : OpenXLM. Aucun autre logiciel Mac ne peut faire cela pour l’instant. Un bon point pour NeoOffice, donc. Un autre bon point sur l’intégration des technologies Apple : drag & drop, filepicker, polices reconnues par OS X, etc.

Pour le reste, les critiques adressées à OpenOffice sont également valables pour NeoOffice (notamment sur le format ODF que personne n’utilise et sur l’interface à la Windows 95), puisque le moteur du logiciel est le même.

Ceux qu’on aimerait meilleurs

Mellel

Mellel est un petit logiciel pas très sympa mais très puissant – contrairement à l’autre logiciel de la catégorie, Nisus, qui est très sympa mais pas très puissant ! –. Le problème majeur de Mellel est qu’il est développé par une petite équipe (deux frères). Cela a deux conséquences majeures : d’abord, les nouvelles versions avec leur lot de nouvelles fonctions n’arrivent pas vite (il y a une autre raison pour cette lenteur, j’y reviendrai) ; ensuite, chaque choix effectué par les développeurs a de lourdes conséquences sur le logiciel : une fois le choix fait il l’est pour de bon, pas assez de ressources pour revenir en arrière. Inversement, pour les gros projets comme Word ou OpenOffice, si un choix ne convient pas, les développeurs peuvent toujours l’abandonner dans la version suivante du logiciel.

Mellel Palette bibliographie

Mais Mellel « n’avance » pas vite pour une autre raison également : les développeurs recherchent la meilleure stabilité possible et n’ajoutent une nouvelle fonction que quand elle est tout à fait stable. Peut-être devraient-ils, à l’instar de Nisus, proposer les nouvelles version en bêta publique. La recherche de bugs irait plus vite et le développement en serait de fait accéléré. Mais depuis quelques temps, il semblerait que les développeurs se soient éloigné de leur public – c’est du moins ce qui se dit sur les forums officiels de Mellel –. On attend ainsi les références croisées (« cross-references », « Xref ») et l’indexation depuis très longtemps (plus d’une année), et toujours rien à l’horizon. Quoi que si ! Justement, c’est à l’horizon puisque ces fonctions ont été annoncées par les développeurs, et sont toujours annoncées pour « la prochaine version ». Le problème est que les dernières « prochaines versions », sorties dans l’année, se caractérisaient toutes par l’absence de références croisées. Pourtant les développeurs semblent bien présents et la dernière version de Mellel a apporté une intégration impressionnante avec le logiciel de gestion de bibliographies Bookends (v. à ce propos l’article Bibliographie sur ordinateur : ça s’améliore : les citations bibliographiques sont traitées dans Mellel comme des objets. Il suffit d’un clic sur un bouton pour lancer le formatage de toutes les citations et la création de la bibliographie finale (v. illustration ci-contre). Pour insérer une citation, il suffit de la sélectionner dans Bookends et de taper Controle + Y – il n’y a pas mieux sur le marché !!). De même, certains attendent une meilleure gestion des tableaux et des images insérées dans le texte – personnellement je m’en fiche, ce n’est pas le rôle premier d’un traitement de texte –. Peut-être les développeurs de Mellel ne sont-ils pas des programmeurs à plein temps ?

Un autre gros défaut de Mellel réside dans son format propriétaire. Il s’agit d’un format XML, ce qui implique que l’on peut récupérer le texte brut en cas de corruption du fichier (v. plus haut). Cependant, personne n’utilise ce format à part Mellel, ce qui rend son interopérabilité absolument nulle. On aimerait qu’une XLST (tableau de conversion de grammaires XML) soit rapidement réalisée pour permettre à Mellel d’ouvrir des fichiers OpenXLM et d’écrire des fichiers au format OpenXML. Mais rien de tel n’est pour l’instant prévu (et même si c’était prévu, on risquerait de devoir attendre des années, comme pour les références croisées…). En plus de cela, Mellel est vraiment médiocre pour ce qui est d’importer et d’exporter dans d’autres formats. C’est sûrement à cause du conteneur de texte utilisé dans ce programme, qui n’est pas une classe Cocoa Apple (contrairement à Nisus) : Mellel ne peut pas directement profiter du travail réalisé par Apple dans la lecture et l’écriture des fichiers RTF. Il lui faut réinventer la roue, ce qu’il fait évidemment moins bien qu’Apple ! D’un autre côté, l’utilisation de classes non-Apple a des avantages : Mellel peut ainsi afficher de très long documents (plusieurs milliers de pages) sans pour autant ralentir et devenir poussif. On a vu que Pages (qui utilise les classes Apple) devenait inutilisable après quelques dizaines de pages ; quand à Nisus, toutes ses fonctions (rechercher/remplacer, outlining, l’interface, etc.) restent très rapides avec de long documents, sauf l’affichage du texte à l’écran ! Mellel a donc les inconvénients de ses avantages.

Un autre défaut de Mellel réside dans son implémentation des styles. Il faut vraiment s’y faire, et ce n’est pas facile. Mellel n’est pas intuitif : c’est un logiciel à apprendre, en lisant le manuel. Cependant, une fois appris, il se révèle vraiment puissant. On ne peut pas reprocher à la fois à OpenOffice d’être une pâle copie de Word (v. plus haut) et à Mellel de se démarquer de Word. On prendra alors parti pour Mellel qui, même s’il nécessite un temps d’adaptation, fonctionne de manière élégante. Pour résumer, le deux premiers points forts de Mellel sont : sa stabilité et sa robustesse, ses fonctions bibliographiques avancées et son intégration à Bookends.

Son troisième point fort réside dans le paramétrage avancé des styles qu’il permet. Une personne habituée aux styles MS Word sera déconcertée : dans Mellel, il y a des styles de paragraphe, des styles de caractère, des styles de note et des styles de page. On choisit un style de page pour la rédaction, par exemple, puis on change avant l’impression. Le tout se fait en deux clics, pourvu qu’on ait bien défini les styles à l’avance. Les styles de paragraphe s’appliquent uniquement aux paragraphes, tandis que les styles de caractère s’appliquent aux polices utilisées. Il est ainsi possible de créer un style de paragraphe et de définir plusieurs styles de police : normal, gras, italique, souligné, gras-italique, petites majuscules, etc. Au début on n’y comprend rien, mais on se rend compte de la puissance du système – surtout par rapport aux styles monolithiques de Word et d’OpenOffice –. Autre chose très déconcertante : les styles peuvent être « locaux » ou « globaux ». Un style local n’existe que dans le fichier qui le définit, exactement comme dans MS Word. Un style global existe dans tous les fichiers, quel que soit le modèle sur lequel ils sont basés ! Avantage : pas besoin de redéfinir tous les styles lorsqu’on crée un nouveau document. Inconvénient : les modifications sont répercutées dans tous les fichiers qui utilisent le style (en fait, pas exactement : si le style global change, le style global précédent sera transformé en style local dans le fichier… ce qui évite les mauvaises surprises, mais entraîne une certaine confusion dans la gestion des styles).

Mellel Footnotes

Paramétrage de l’affichage des notes en bas de page dans Mellel. Aucun autre logiciel n’offre un tel degré de personnalisation.

Encore une fois, Mellel a les inconvénients de ses avantages. Mellel gère parfaitement le format OpenType. C’est un avantage énorme sur la plupart de ses concurrents (Word le premier). Cependant, il faut changer ses habitudes ! Pour bien utiliser les variantes des polices OpenType, il faudra créer différentes variantes des styles de caractère. Par exemple, si je définis le style de caractère « Corps » – destiné à être utilisé dans le corps du texte – avec la police Computer Modern Serif, ce style sera par défaut appliqué dans sa première variante. Si je veux utiliser la variante « gras » de la police CM Serif, je devrai appliquer la seconde variante. Pour l’italique (et non l’oblique !), ce sera la deuxième variante. Pour le gras-italiquebolditalic »), la troisième. On accède à chaque variante par les touches de fonction F1, F2, F3 …. F9. Il faut donc oublier les raccourcis classiques « Commande + I » (ou « CTRL + I » sous Windows) pour l’italique et « Commande + B » (ou « CTRL + G » sous Windows) pour le gras. Ces raccourcis auront pour effet d’appliquer une transformation à la police de base. Le résultat est hideux (quand on pense que c’est le résultat normal sous MS Word !).

vrai-faux gras

En haut, un faux gras (Computer Modern, 12 pt), en bas le « vrai » gras OpenType.

normal oblique italique

En haut, le témoin : police Adobe Garamond Pro sans transformation. Au milieu un oblique -- opération de MS Word --, en bas le véritable italique utilisé en imprimerie et fourni avec la police OpenType Adobe.

Pour conclure sur Mellel, on dira deux choses. D’abord que c’est un excellent traitement de texte, très bien conçu, stable et robuste, doté de fonctions avancées de mise en page et de typographie, avec une gestion parfaite des notes en bas de page et des bibliographies, ainsi que de la hiérarchisation des flux de titres. On dira ensuite, qu’il lui manque certaines fonctions essentielles (les références croisées, l’indexation !) pour qu’il soit complet et, surtout, qu’il devrait abandonner son format de fichier propriétaire pour un format ouvert (OpenDocument ou OpenXML). On a vraiment envie d’utiliser Mellel, parce qu’il est puissant et stable, mais on hésite toujours par peur de produire des documents qu’on ne pourra plus ouvrir dans quelques années, la pérennité du format Mellel n’étant pas assurée.

Nisus Writer Pro

Nisus Writer Pro a une – très – longue histoire derrière lui. Sans détailler, il est important de dire que Nisus pour Mac Classic (Système 9 et antérieurs) était un des meilleurs traitements de texte pour Mac. Et probablement le meilleur, devant Word. Il était stable et véloce. Il innovait en apportant de nombreuses fonctions qui ont ensuite été reprises par d’autres logiciels (par exemple les presse-papiers – « clipboards » – multiples, ou la possibilité d’éditer le contenu d’un presse-papier). Mais Nisus – la société – a très mal géré le passage à Mac OS X. Nisus – le logiciel – a dû être complètement réécrit. Les utilisateurs ont ainsi attendu 2 ans pour voir arriver un logiciel à peu près (et pas encore tout à fait) équivalent à la version Classic. Les premières versions de Nisus pour OS X étaient catastrophiques : elles ne géraient même pas les notes en pied de page !

Il y a peu de temps, Nisus a sorti une version « Pro » de son logiciel, à côté de la version « Express ». La version Pro implémente de nombreuses fonctions nécessaire à la rédaction de long documents hiérarchisés (livres, rapports, mémoires, thèses, etc.), comme les références croisées et l’indexation. Nisus gère aussi les polices OT – moins bien que Mellel cependant : par exemple, Commande + i utilise bien la variante italique (et non oblique, v. plus haut) de la police, par contre, Commande + b graisse la police au lieu d’utiliser la version « bold » fournie –. Pourtant, Nisus ne va pas jusqu’au bout des choses : comme dans Word, il n’y a pas moyen de formater les références vers les notes en bas de page autrement qu’en exposant. Dans Mellel, une fois qu’on a compris comment faire – ce qui n’est pas évident –, un tel paramétrage prend 5 secondes. Les notes en bas de page ne sont pas non plus affichées en mode « Brouillon » (équivalent du mode « Normal » de MS Word) ; or, je déteste – vraiment – écrire en mode « Page ». Le mode « outlining » de Nisus est moins complet que celui de Mellel ou de MS Word (mode « Plan ») : l’utilisateur a une bien moins grande marge de manœuvre dans la création des titres (ou « auto-titres » dans Mellel) et il n’est pas possible de modifier la structure du document par glisser-déposer (« drag & drop ») des titres. Cependant, il faut avouer que la gestion des titres dans Mellel est étrange : ce sont des objets dans la page, qui ne sont pas directement traités comme du texte. Dans Nisus comme dans Word, les titres sont du texte formaté, et non des objets, ce qui est beaucoup plus habituel et beaucoup plus facile à gérer – inline édition, au lieu d’édition par une boîte de dialogue dans Mellel ; possibilité d’appliquer différents styles à différentes parties d’un titre, ce qui n’est pas possible dans Mellel –.

Panneau latéral de Nisus

Comme Mellel, Nisus a les inconvénients de ses avantages, et ils sont ici inversés. C’est-à-dire que là où Mellel est complet et difficile à comprendre, Nisus est moins complet mais beaucoup plus intuitif à utiliser. C’est même un plaisir de l’utiliser. L’interface est magnifique d’aspect, et très pratique à l’utilisation. C’est un modèle d’ergonomie, contrairement à Mellel (sans parler d’OpenOffice – beurk ! –) qui fait un peu « vieux jeu » : dans Mellel, il est impossible de modifier les icône de la barre d’outils, alors que c’est possible dans Nisus comme dans toutes les applications Cocoa (clic droit et «Personnaliser la barre d’outils… ») ; dans Mellel les palettes latérales s’ouvrent et se ferment toutes seules pour que le bloc entier tienne à l’écran, ce qui fait qu’on est toujours en train de déplier les 5 palettes qu’on utilise régulièrement (styles, titres, marqueurs, bibliographie, polices). Nisus, au contraire, permet de réorganiser les palettes dans le panneau latéral comme on veut, ce qui permet d’avoir accès directement aux fonctions les plus utilisées sans avoir à jongler.

Bref, on l’aura compris, Nisus est un peu moins puissant que Mellel, mais il est beaucoup plus agréable à utiliser – et surtout à appréhender, lors des premières utilisations –. On notera une autre différence majeure entre Nisus et Mellel. Là où Mellel utilise un format propriétaire (basé sur XML), Nisus utilise le standard de fait RTF (Rich Text Format). Le format RTF est un format Microsoft dont les spécifications sont rendues publiques. Tous les logiciels de traitement de texte, sur toutes les plateformes (Windows, Mac, Linux et autres) implémentent le RTF. C’est véritablement le format le plus portable et le plus facilement échangeable ; même si le .doc est plus répandu, le RTF sera toujours plus « stable » car, contrairement au .doc qui change avec chaque version d’Office et qui reste un format fermé, ses spécifications sont publiques. Un bon point pour Nisus donc, qui utilise le RTF. Cependant, ce bon point est immédiatement à nuancer. Deux nuances : d’abord, le RTF est moins puissant que l’ODF ou l’OOXML, car il ne connaît pas autant de nuances de mise en page et de typographie ; ensuite, le RTF est un format vieillissant qui est toujours resté dans l’ombre du .doc et qui n’a plus grand avenir, maintenant que les développeurs se mettent à utiliser des formats basés sur XML. Pour donner un ordre d’idée, les spécifications du format RTF version 1.6 sont distribuées par Microsoft dans deux formats : soit .doc (Word 2003/2004), soit OpenXLM (.docx ; Word 2007/2008) – on remarquera au passage que les spécifications du RTF ne sont pas distribuées au format RTF… Microsoft est vraiment parfois trop stupide ! – ; le fichier .doc pèse 4,5 Mo, tandis que le fichier .docx ne dépasse pas les 900 Ko. Le contenu des deux fichiers est exactement le même. Voilà une des raisons pour lesquelles l’utilisation des formats XML compressés – ZIP – représente un progrès. Pourtant, les documents Nisus natifs seront lisible sur toutes les machines, ce qui fait de Nisus le traitement de texte le plus efficient dans le domaine de l’interopérabilité. Il permet même d’enregistrer au format PDF par une commande du menu Fichier. C’est certes possible dans toutes les applications Mac, en passant par l’impression, mais c’est tout de même moins intuitif qu’en passant par le menu Fichier.

Pour finir là dessus, le revers de la médaille : Nisus utilise le RTF et, bien entendu, les classes Cocoa Apple qui permettent de produire et de lire du RTF facilement. Mais ces classes ne sont pas vraiment optimisées pour un affichage rapide. Sur les longs documents (centaines voire milliers de pages), l’affichage du texte dans Nisus devient plus lent. On tape un mot et il ne s’affiche pas immédiatement à l’écran. C’est particulièrement vrai si on tape en début de document (on se demande pourquoi…) : un utilisateur des forums Nisus a décrit cela en disant que cela donne l’impression que Nisus pousse le texte en dessous au fur et à mesure, pour faire de la place au texte que l’on est en train d’écrire. C’est caractéristique d’une mauvaise implémentation, non-optimisée. La faute en revient à Apple et non à Nisus. Cependant, Nisus a sa part de responsabilité en ayant choisi d’utiliser les classes Apple. A l’opposé, les développeurs de Mellel ont dû travailler sur leur propre implémentation du conteneur de texte, ce qui les a empêché d’implémenter d’autres fonctions présentes dans Nisus, comme les références croisées et l’indexation. Mais Mellel reste très rapide et stable, même sur des documents de plusieurs milliers de pages.

L’avenir dira qui de Mellel ou de Nisus prendra le dessus. La base très solide de Mellel sera-t-elle un atout pour le futur, en permettant aux développeurs de continuer petit à petit à ajouter des fonctions avancées à leur logiciel ? Ou, au contraire, l’implémentation spécifique de Mellel empêchera-t-elle ses développeurs d’évoluer au même rythme que Mac OS X – Mellel paraît déjà un peu dépassé dans son interface – ? Les développeurs de Nisus arriveront-ils à résoudre les problèmes de lenteur de leur logiciel ; arriveront-ils à se détacher suffisamment des API Apple pour fournir autre chose qu’un TextEdit évolué ? En tout cas, dans la whishlist, il y a pour Mellel les références croisées, une nouvelle interface et un nouveau format natif ; pour Nisus, une meilleure intégration avec les logiciels de bibliographie, des fonctions typographiques et de mise en page plus évoluées et une plus grande vélocité de l’affichage du texte sur les longs documents.

Montpellier,

le 22 juillet 2007.