Parlons un peu du Web 2.0

dimanche 7 janvier 2007

Le Web 2.0 est sur toutes les bouches, on en parle dans tous les journaux, à la télévision, sur Internet et ailleurs. C'est devenu un véritable phénomène de société. Mais ce phénomène est-il le Web 2.0 en soi ou le profond changement intervenu dans le comportement des internautes ?

Le Web 2.0 est sur toutes les bouches, on en parle dans tous les journaux, à la télévision, sur Internet et ailleurs. C’est devenu un véritable phénomène de société. Mais ce phénomène est-il le Web 2.0 en soi ou le profond changement intervenu dans le comportement des internautes ?

Qu’est-ce que le Web 2.0 ?

«Web 2.0» est un terme inventé par des experts O’Reilly pour désigner un ensemble de technologies qui marquent une évolution du Web. Il s’agit notamment des technologies XML, Ajax ou RSS.

Les sites Internet qui relevaient à l’origine du Web 2.0 sont de deux types: 1) les portails utilisant les technologies Ajax et RSS (Netvibes) ; 2) les sites communautaires dédiés à la présentation de contenu multimédia de la part des utilisateurs (Flickr pour les photos, YouTube pour les vidéos, pour ne citer qu’eux) et leur permettant de «réagir» au contenu des autres utilisateurs.

La nouvelle facette du Web est ainsi, les internautes peuvent s’exprimer sur n’importe quel sujet (blogs), faire part de leurs connaissances à la communauté (wikis), élaborer l’information (p. ex. AgoraVox), partager leurs photos (p. ex. Flickr), vidéos (p. ex. YouTube) et sons (podcasts). Tout le monde s’y met. Les blogs, wikis, et autres podcasts deviennent de plus en plus nombreux chaque jour. Des informations sur tel ou tel événement qui n’auraient pas été connues il y a 20 ans, l’événement pouvant être considéré comme minime et indigne d’intérêt par la presse conventionnelle, circulent aujourd’hui sur internet dans les minutes qui suivent sa survenance. Un courant de pensée qui ferait l’unanimité de la presse traditionnelle trouvera certainement un contrepoids important sur le Web (notamment sur les blogs, dans ce que l’on appelle la «blogosphère»). Il s’agit là d’une révolution dans le comportement des internautes qui marque l’avènement d’un véritable phénomène social.

L’appellation «Web 2.0» désigne-t-elle un phénomène de société, une modification des comportements vis-à-vis d’Internet ?

Non. Définitivement, non. Il y a bien trop souvent une confusion sur ce point entre la cause, les effets et les moyens: le Web 2.0 n’est ni à l’origine du phénomène sociologique que l’on peut constater, ni l’une de ses conséquences ; il en est le simple vecteur.

1) Le Web 2.0 n’est pas à l’origine d’une modification dans le comportement des internautes.

On cite souvent Gmail, le service de webmail de Google, comme icône du Web 2.0. Mais, en réalité, les webmails existaient bien avant Gmail, et il n’étaient pas pour autant qualifiés de sites Web 2.0. En quoi Gmail est-il différent ? Gmail utilise la technologie Ajax pour modifier le contenu à l’écran sans qu’il soit nécessaire de recharger la page. Vérifiez: changer de dossier, par exemple en passant de la boîte de réception à la boîte d’envoi, ne nécessite pas un rechargement total de la page. L’internaute a l’impression que tout va plus vite et, surtout, que l’application se comporte d’une manière beaucoup plus proche de ce qu’il connaît déjà au travers des logiciels installés sur son ordinateur.

L’utilisation de la technologie Ajax est le seul fait qui permette de qualifier Gmail de site «Web 2.0». Le Web 2.0 n’est donc pas, de ce point de vue, à l’origine d’un nouveau comportement. Il permet au contraire d’adapter le fonctionnement d’une application en ligne aux habitudes déjà acquises par les internautes lors de l’utilisation de logiciels classiques.

2) Le Web 2.0 n’est pas la conséquence d’une modification dans le comportement des internautes.

L’expression «Web 2.0» a été employée dès 2004. Wikipedia indique que la première conférence sur le sujet a eu lieu en octobre 2004. A cette époque, on ne parlait pas encore de Flickr ou de Gmail, YouTube n’existait pas, la technologie RSS n’était connue que par les internautes avertis et il n’y avait encore que très peu de blogs.

A mon sens, la profonde modification dans le comportements des internautes que l’on constate à l’heure actuelle vient plutôt du fait de la baisse des prix des ordinateurs et des abonnements internet haut débit. Internet n’est plus seulement un outil professionnel ou le passe-temps favori des passionnés d’informatique, c’est devenu un espace numérique pour les masses. Or, l’immense majorité constituée par les internautes qui ne connaissent presque rien des aspects techniques des outils qu’ils utilisent ne se soucie pas outre mesure des innovations technologiques du Web. Simplement, les internautes font ce qu’ils peuvent faire en fonction des outils mis à leur disposition. Si Gmail n’avait pas utilisé la technologie Ajax, ces internautes n’auraient pas pour autant cessé d’envoyer des e-mails ! Il auraient tout simplement utilisé un webmail classique ou un logiciel installé sur leur ordinateur de manière tout aussi classique.

A vrai dire, si l’on demande à un internaute lambda quelle est la principale différence entre Hotmail et Gmail, il est douteux qu’il réponde que le premier relève du Web 1.0 et le second du Web 2.0. Il est encore plus douteux qu’il sache dire si et pourquoi Gmail est une application Web 2.0, et pourquoi Hotmail n’en est pas une.

3) Le Web 2.0 est en réalité le vecteur de la modification dans le comportement des internautes.

Les technologies qui constituent le Web 2.0 sont attrayantes. Cela explique qu’elles aient rapidement connu le succès qu’on leur connaît. Mais, si elles n’avaient pas existé, les internautes auraient tout de même échangé des photos et des vidéos, exprimé leur avis, participé à la diffusion de l’information. Tout l’intéret du Web 2.0 est de faciliter ces modes d’échange.

Le Web 2.0, au sens d’une série d’innovations technologiques, s’inscrit donc dans une évolution parallèle au changement des comportements des internautes vis-à-vis de ce média émergeant. Mais il n’en est ni la cause ni la conséquence ; il est simplement un des moyens techniques par lesquels ce changement s’opère.

Les blogs

Le Web 2.0 étant un ensemble de technologies, il ne concerne pas directement les blogs. Un blog se distingue en effet d’un site classique par son contenu et par sa forme, mais pas par les techniques employées pour le mettre en oeuvre. Un blog contient des réflexions toutes personnelles de son auteur ou de ses auteurs, et les réactions des visiteurs. Il se présente comme une succession d’articles, généralement assez brefs, «empilés» les une après les autres, sans réelle répartition thématique. Là où un site traditionnel est pensé et construit en fonction du contenu qu’il devra contenir, l’auteur de blog ajoute des contenus divers et variés, tant sur la forme (différents médias) que sur le fond (sur différents sujets), sans que ces contenus rentrent dans une hiérarchie ou une thématique prédéfinies.

Les blogs se repèrent au premier coup d’oeil pour un utilisateur averti, en fonction du logiciel utilisé. Il existe en effet un nombre assez restreint de logiciels de blog ; les plus connus sont sans doute WordPress, Dotclear, TypePad ou encore Blogger. Tous ces logiciels reposent sur les mêmes technologies (XHTML, PHP, MySQL) ou sur des technologies semblables, qui existaient bien avant que l’on parle de Web 2.0. Il est certain que des technologies telles que la syndication RSS connaissent un tel succès grâce à ces logiciels de blog. Pourtant, ce sont ces technologies qui constituent le Web 2.0, non les logiciels de blogs et encore moins les blogs eux-mêmes. Un blog relève du Web 2.0 du fait des technologies qu’il met en oeuvre, et non de par sa seule nature de blog.

Le RSS

La position de la technologie RSS dans le Web 2.0 est plutôt ambiguë. D’abord, elle n’a pas la même importance pour un site pris individuellement que les autres technologies Web 2.0. En effet, l’auteur d’un blog WordPress peut, par exemple, désactiver la diffusion en RSS de ses articles: pourrait-on alors dire que son blog a quitté le Web 2.0 pour revenir dans le Web 1.0, alors que la modification sera imperceptible pour l’immense majorité de ses visiteurs ? A l’inverse, si Gmail abandonnait du jour au lendemain la technologie Ajax pour revenir au chargement page par page, la différence serait très perceptible. De même, les conséquences seraient lourdes si les auteurs de WordPress décidaient d’empêcher la syndication RSS des articles publiés avec ce logiciel…

Ensuite, le RSS ne fait pas directement partie du Web. Il ne faut pas confondre Internet (le réseau auquel on se connecte) et le Web (l’ensemble des page qu’on peut charger dans un navigateur). Ainsi, lorsqu’on envoie un e-mail ou qu’on lit les newsgroups, on est bien connecté à Internet, mais on n’utilise pas le Web. Au sens strict -et véritable-, le Web est composé des pages HTML dont le contenu est transmis par le protocole HTTP. Les flux RSS sont, eux, du contenu XML transmis par le même protocole HTTP. Mais ce contenu XML n’est pas directement exploitable par les navigateurs (Internet Explorer affichera par exemple le code source du fichier XML transmis, et non son contenu formaté). Pour l’exploiter, il faut recourir à un logiciel tiers: un logiciel agrégateur, un navigateur compatible (p. ex. Firefox ou Safari, qui intègrent en réalité des agrégateurs), ou encore un portail Web 2.0 faisant office d’agrégateur. Ce n’est que dans ce dernier cas que le RSS paraît devoir être qualifié de technologie Web 2.0 puisque, dans tous les autres cas, il ne génère pas de «page web» visible dans un navigateur. Ces sites-agrégateurs connaissent une véritable explosion (Netvibes, Yahoo, Google, MS Live, etc…) ; ils affichent du contenu RSS dans une mise en page basée sur Ajax… si bien que lorsqu’on se rend sur un tel site, on peut réellement dire qu’on «surfe sur le Web 2.0».