Numéro 25 - Semaine du 27 septembre au 3 octobre 2010

dimanche 3 octobre 2010

L’actualité de cette semaine est marquée par plusieurs changements de phases. Le round japonais des négociations ACTA s’achève ainsi, sans réel accord ; l’Hadopi commence à fonctionner ; le travail parlementaire sur la LOPPSI2 avance et la loi COICA, aux États-Unis, est bloquée jusqu’aux élections de mid term.

L’actualité de cette semaine est marquée par plusieurs changements de phases. Le round japonais des négociations ACTA s’achève ainsi, sans réel accord ; l’Hadopi commence à fonctionner ; le travail parlementaire sur la LOPPSI2 avance et la loi COICA, aux États-Unis, est bloquée jusqu’aux élections de mid term.

Le round japonais des négociations ACTA s’achève cette semaine (le samedi 2 octobre) avec une déclaration de certains pays selon laquelle un accord aurait été obtenu(en) sur «la plupart des questions importantes». Mais d’autres voix se font entendre, et elles sont plutôt discordantes : selon Reuters et le LA Times(en), l’accord sur le fond serait encore loin. Des désaccords entre les parties persisteraient, en effet, notamment sur le champ d’application matériel du traité (les États-Unis veulent inclure les brevets, l’UE veut le restreindre au délit de contrefaçon). Il semblerait que les désaccords se soient cristallisés autour des positions antagonistes américaine et européenne(en). Il n’y aura pas d’autre round de négociations ; on peut donc se demander quelle solution sera retenue dans le texte final du traité.

En France, l’Hadopi, dotée d’un budget de 12 millions d’euro pour 2011 (rien que ça) ouvre son site web, avec quelques problèmes. Les premiers courriers électroniques de menace auraient été envoyés par deux FAI français, et leur contenu immédiatement publié sur le Web. Le site Numerama ouvre un site spécialisé dans la surveillance de l’activité de la Haute autorité et l’information des internautes : www.hadopi-data.fr.

Plus inquiétant : comme nous le disions la semaine dernière, la loi Hadopi serait la première étape vers un filtrage du Net. Pire encore, la première étape vers la création d’un «Internet civilisé», c’est-à-dire bien pensant et «bien-payant».

Tout cela amène à se poser des questions. On peut ainsi se demander quel sera l’effet de ce mouvement répressif (en France comme à l’étranger) sur le Web. Pour l’inventeur du Web, Tim Berners-Lee, les moyens mis en oeuvre par les lois «anti-piratage», comme la déconnexion de l’abonné en France, sont un véritable «fléau» pour le Web. Son raisonnement est simple et nous y adhérons : Internet est devenu une composante de la vie sociale de millions de personnes et la déconnexion pourrait nuire à l’épanouissement de ces personnes. Vu sous cet angle et d’un point de vue juridique, les lois qui imposent la déconnexion pourraient être considérées comme étant contraires à l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, qui garantit à chacun le droit à la vie privée tant dans sa conception négative (le droit à la tranquillité et à la sérénité qui interdit de s’immiscer dans l’intimité d’autrui) que dans sa conception positive (le droit à l’épanouissement personnel).

De là émane une autre idée, qui revient souvent ici, comme un leitmotiv : les restrictions des droits fondamentaux peuvent être justifiées, mais elles doivent être ordonnées par le juge et non par une autorité administrative. Mais tout le monde n’est pas d’accord avec cela. Le rapporteur de la LOPPSI2, par exemple, s’oppose à une intervention du juge pour contrôler le filtrage de certains sites ordonné par l’administration et mis en place par les FAI. Il y avait un problème, et une solution a, semble-t-il, été trouvée. Le problème : le Conseil constitutionnel, dans son arrêt sur la première version de la loi Hadopi, a jugé que l’accès à Internet ne pouvait être coupé que sous le contrôle du juge, puisqu’une telle coupure constitue une restriction d’un droit fondamental. La solution : ne pas couper l’accès de l’internaute, mais censurer Internet en amont, en ordonnant aux FAI de filtrer certains contenus. Il s’agit simplement d’un moyen détourné pour atteindre le même résultat.

Aux États-Unis, les choses ne sont pas aussi claires, mais une tendance similaire se dessine. Ainsi, le Digital Millennium Copyright Act (DMCA, 1998) n’exige pas la coupure de l’accès à Internet(en). Alors, ordonnons aux FAI de filtrer les sites et de surveiller les internautes. Le but est de rétablir le pouvoir de contrôle des autorités sur les échanges privés des citoyens(en), qui avait été mis à mal depuis le passage du téléphone à Internet (par exemple, la VOIP). Le projet de loi Combating Online Infringement and Counterfeits Act (COICA), qui ne sera pas discuté avant les élections de mi-mandat, a pour but, comme la LOPPSI2 en France, de permettre aux autorités d’ordonner aux intermédiaires techniques de bloquer les sites illicites, américains ou étrangers.