Numéro 15 - Semaine du 19 au 25 juillet 2010

dimanche 25 juillet 2010

Au sommaire, cette semaine, un peu de droit de la propriété intellectuelle avec Hadopi et le traité ACTA, toujours au centre d’une polémique sur la transparence ; le principe de neutralité du Net dont les contours se précisent peu à peu ; la responsabilité des intermédiaires dans plusieurs arrêts récents de la Cour de cassation.

Propriété intellectuelle

«Ca marche très bien Hadopi», c’est le ministre de l'industrie de la culture qui le dit. Pourtant, elle ne marche pas encore : les premiers mails seront envoyés, toujours selon le ministre, en septembre. Elle pourrait alors être en mesure de traiter jusqu’à 125 000 saisines par jour.

Côté ACTA, l’on apprend que le gouvernement des Pays-Bas réclame la transparence des négociations. L’on apprend dans le même temps qu’un changement de politique, à la Commission européenne, est en cours : les positions européennes et les positions américaines divergeraient de plus en plus. Les causes de ces deux événements sont probablement multiples et complexes ; on peut néanmoins supposer que le durcissement du texte du traité, qui devient un instrument avant tout répressif (exemple de ce qui se fait aux USA), ainsi que la négociation de certaines clauses susceptibles de rendre nécessaires des changements dans le droit européen, éloignent trop le traité de ses objectifs originels.

Neutralité du Net

Le French Data Network a publié sa réponse(pdf) à la consultation publique de l’ARCEP sur la neutralité du Net. Le FDN reproche à l’ARCEP de ne pas suffisamment tenir compte des droits fondamentaux, notamment la liberté d’expression, dans sa conception du principe de neutralité du net.

Il est vrai que le principe de neutralité du net revêt généralement un aspect économique, qui tient plus de la régulation du marché par le droit de la concurrence que de la protection des consommateurs. Pourtant, garantir un accès non discriminatoire au réseau contribue à la fois de faire jouer la libre concurrence et à protéger la liberté d’expression des internautes, dans sa conception négative (droit de recevoir l’information). Le véritable danger vient ici plutôt des pouvoirs publics. En effet, lorsque les FAI censurent un contenu, c’est plus pour des raisons de forme (p. ex., les vidéos consomment trop de bande passante) que de fond. Les pouvoirs publics, en revanche, fondent leur censure de l’information sur le fond, son contenu, et non sur la forme, la manière de la communiquer. C’est cette forme de censure qui nécessite, notamment, la mise en oeuvre de mesures d’analyse du contenu telles que la Deep Packets Inspection.

Commerce électronique

La Cour de justice des communautés européenne (que l’on devrait d’ailleurs appeler Cour de justice de l’Union européenne) avait rendu un arrêt important, le 23 mars 2010, en matière de responsabilité des intermédiaires, répondant ainsi à plusieurs questions préjudicielles posées par la Cour de cassation.

La Haute juridiction française a finalement tranché les litiges dont il était question, grâce à la réponse de la Cour européenne, par 4 arrêts du 13 juillet 2010 : LVMH c. Google ; Viaticum et Luteciel c. Google ; CNRRH c. Google ; GIFAM c. Google. Les deux questions essentielles étaient, d’une part, celle de savoir si Google faisait usage des marques dans le cadre de la vente d’annonces publicitaires (AdWords) et, d’autre part, si la société agissait en tant qu’hébergeur de contenu, bénéficiant d’un régime spécial de responsabilité, ou en tant qu’éditeur, soumis au droit commun. La Cour de Luxembourg avait répondu par la négative à la première question : Google ne fait pas usage des marques, elle n’est donc pas responsable de contrefaçon, contrairement à ses clients qui, eux, choisissent des mots-clés contrefaisants pour élaborer les annonces publicitaires. En revanche, la Cour n’a pas répondu à la deuxième question (qui est pourtant la plus importante) : elle s’est bornée à rappeler les dispositions de la directive (2000/31 dite «commerce électronique»), tout en laissant le soin aux juges du fond des juridictions nationales de décider si, au cas d’espèce, l’activité du défendeur avait un «caractère purement technique, automatique et passif, impliquant [qu’il] n’a pas la connaissance ni le contrôle des informations transmises ou stockées”, ou si, au contraire, elle était de nature à lui conférer un certain contrôle sur le contenu hébergé. Dans le premier cas, l’opérateur peut bénéficier du régime de responsabilité des hébergeurs, alors qu’il est soumis au droit commun dans le second cas.

La Cour de cassation explique d’abord cela, dans un premier motif : «Attendu que la Cour de justice de l’union européenne a dit pour droit (C- 236/08, 23 mars 2010) que l’article 14 de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur dite « directive sur le commerce électronique », doit être interprété en ce sens que la règle y énoncée s’applique au prestataire d’un service de référencement sur Internet lorsque ce prestataire n’a pas joué un rôle actif de nature à lui confier une connaissance ou un contrôle des données stockées ; que s’il n’a pas joué un tel rôle, ledit prestataire ne peut être tenu responsable pour les données qu’il a stockées à la demande d’un annonceur à moins que, ayant pris connaissance du caractère illicite de ces données ou d’activités de cet annonceur, il n’ait pas promptement retiré ou rendu inaccessibles lesdites données».

La Cour poursuit en citant les faits constatés par les juges du fond, qui permettent de caractériser l’activité de Google : «Attendu que pour refuser aux sociétés Google le bénéfice de ce texte, l’arrêt retient qu’elles ne se bornent pas à stocker des informations publicitaires qui seraient fournies par des annonceurs mais qu’elles déploient une activité de régie publicitaire, d’abord, en organisant la rédaction des annonces, en décidant de leur présentation et de leur emplacement, ensuite, en mettant à la disposition des annonceurs des outils informatiques destinés à modifier la rédaction de ces annonces ou la sélection des mots clés qui permettront de faire apparaître ces annonces lors de l’interrogation du moteur de recherche et, enfin, en incitant les annonceurs à augmenter la redevance publicitaire « coût par clic maximum » pour améliorer la position de l’annonce ; qu’il ajoute que le service Adwords est présenté sur les différents sites Google sous la rubrique et le lien hypertexte « publicité », avec le slogan « votre publicité avec Google » et cette précision « le ciblage à partir de mots clés augmente la pertinence de votre publicité », et que l’activité publicitaire ainsi déployée constitue l’essentiel du chiffre d’affaires qu’elles réalisent».

Puis la Cour conclut : «Attendu qu’en se déterminant ainsi, la cour d’appel a privé sa décision de base légale». La conclusion est, pour le moins, étrange. La Cour de cassation jugeant le droit à l’exclusion des faits, elle n’a pas pu contester les faits relevés par la Cour d’appel. Il faut donc comprendre l’énumération des faits, dans le motif précité, comme signifiant que la Cour d’appel a réussi à caractériser l’existence d’un certain contrôle de Google sur la forme du contenu («en organisant la rédaction des annonces, en décidant de leur présentation et de leur emplacement…»), mais qu’elle a échoué à caractériser l’existence d’un contrôle sur le fond. Or, c’est ce contrôle là qui semble compter, puisque c’est le fond et non la forme qui détermine l’illicéité d’un contenu. On devrait pouvoir en conclure que, si la Cour d’appel avait relevé un contrôle de Google sur la teneur des annonces publicitaires, son arrêté n’aurait pas été cassé.

Un autre point semble important : ce n’est plus tant l’opérateur qui est qualifié d’hébergeur ou d’éditeur, mais le contenu litigieux qui est qualifié d’hébergé ou d’édité. La Cour juge dit : «Attendu que pour écarter l’application du texte susvisé à l’activité de prestataire de positionnement payant sur internet exercée par la société Google France, l’arrêt retient que cette dernière tente d’opérer une confusion entre cette activité et celle de son moteur de recherche, et que sont vaines ses tentatives de se voir reconnaître le bénéfice de dispositions légales ou jurisprudentielles applicables aux intermédiaires techniques» … «Attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que la Cour de justice de l’Union européenne a notamment dit pour droit, dans sa décision précitée, que l’article 14 de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur, dite « directive sur le commerce électronique », doit être interprété en ce sens que la règle y énoncée s’applique au prestataire d’un service de référencement sur Internet lorsque ce prestataire n’a pas joué un rôle actif de nature à lui confier une connaissance ou un contrôle des données stockées, la cour d’appel, qui n’a pas examiné l’existence de ce rôle actif, n’a pas donné de base légale à sa décision». Peu importe, donc, l’activité de l’opérateur. Ce qui importe c’est l’action de cet opérateur par rapport au contenu litigieux. S’il a exercé un rôle actif, une certaine forme de contrôle sur ce contenu, il perd le bénéfice du régime de responsabilité des hébergeurs.

Il ne convient pas ici de faire une analyse exhaustive de la solution de la Cour. On fera néanmoins trois remarques : 1) ces arrêts vont dans un sens diamétralement opposé à celui de la jurisprudence Tiscali, pourtant récente ; 2) ils vont beaucoup plus loin que la Cour européenne, en instaurant une interprétation très large de la notion d’hébergement ; 3) ils laissent de nombreuses questions en suspend, et ne réduisent en rien l’insécurité juridique qui domine cette manière depuis quelques années.

En outre, la solution de la Cour peut présenter des inconvénients. Par exemple : qu’en est-il de l’opérateur qui pourrait (devrait ?) exercer un contrôle sur le contenu, mais qui ne le fait pas, par négligence ou pour des raisons économiques ? Selon la Cour, s’il n’exerce pas de contrôle, il est hébergeur. Il ne sera donc responsable que s’il n’a pas agi après avoir pris connaissance d’un contenu illicite. On le voit clairement avec cette hypothèse : cette jurisprudence incite les personnes qui, d’un point de vue technique, ne sont pas des hébergeurs, à ne pas contrôler le contenu diffusé, afin de bénéficier d’un régime de responsabilité plus souple. Mais, contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette absence de contrôle n’est pas favorable à la liberté d’expression. Bien au contraire, elle incite à la censure puisque les hébergeurs ont tout intérêt à agir contre les contenus qui leur sont signalés comme étant illicites, avant même qu’un tribunal se prononce sur leur licéité.

Au sommaire, cette semaine, un peu de droit de la propriété intellectuelle avec Hadopi et le traité ACTA, toujours au centre d’une polémique sur la transparence ; le principe de neutralité du Net dont les contours se précisent peu à peu ; la responsabilité des intermédiaires dans plusieurs arrêts récents de la Cour de cassation.

Propriété intellectuelle

«Ca marche très bien Hadopi», c’est le ministre de l'industrie de la culture qui le dit. Pourtant, elle ne marche pas encore : les premiers mails seront envoyés, toujours selon le ministre, en septembre. Elle pourrait alors être en mesure de traiter jusqu’à 125 000 saisines par jour.

Côté ACTA, l’on apprend que le gouvernement des Pays-Bas réclame la transparence des négociations. L’on apprend dans le même temps qu’un changement de politique, à la Commission européenne, est en cours : les positions européennes et les positions américaines divergeraient de plus en plus. Les causes de ces deux événements sont probablement multiples et complexes ; on peut néanmoins supposer que le durcissement du texte du traité, qui devient un instrument avant tout répressif (exemple de ce qui se fait aux USA), ainsi que la négociation de certaines clauses susceptibles de rendre nécessaires des changements dans le droit européen, éloignent trop le traité de ses objectifs originels.

Neutralité du Net

Le French Data Network a publié sa réponse(pdf) à la consultation publique de l’ARCEP sur la neutralité du Net. Le FDN reproche à l’ARCEP de ne pas suffisamment tenir compte des droits fondamentaux, notamment la liberté d’expression, dans sa conception du principe de neutralité du net.

Il est vrai que le principe de neutralité du net revêt généralement un aspect économique, qui tient plus de la régulation du marché par le droit de la concurrence que de la protection des consommateurs. Pourtant, garantir un accès non discriminatoire au réseau contribue à la fois de faire jouer la libre concurrence et à protéger la liberté d’expression des internautes, dans sa conception négative (droit de recevoir l’information). Le véritable danger vient ici plutôt des pouvoirs publics. En effet, lorsque les FAI censurent un contenu, c’est plus pour des raisons de forme (p. ex., les vidéos consomment trop de bande passante) que de fond. Les pouvoirs publics, en revanche, fondent leur censure de l’information sur le fond, son contenu, et non sur la forme, la manière de la communiquer. C’est cette forme de censure qui nécessite, notamment, la mise en oeuvre de mesures d’analyse du contenu telles que la Deep Packets Inspection.

Commerce électronique

La Cour de justice des communautés européenne (que l’on devrait d’ailleurs appeler Cour de justice de l’Union européenne) avait rendu un arrêt important, le 23 mars 2010, en matière de responsabilité des intermédiaires, répondant ainsi à plusieurs questions préjudicielles posées par la Cour de cassation.

La Haute juridiction française a finalement tranché les litiges dont il était question, grâce à la réponse de la Cour européenne, par 4 arrêts du 13 juillet 2010 : LVMH c. Google ; Viaticum et Luteciel c. Google ; CNRRH c. Google ; GIFAM c. Google. Les deux questions essentielles étaient, d’une part, celle de savoir si Google faisait usage des marques dans le cadre de la vente d’annonces publicitaires (AdWords) et, d’autre part, si la société agissait en tant qu’hébergeur de contenu, bénéficiant d’un régime spécial de responsabilité, ou en tant qu’éditeur, soumis au droit commun. La Cour de Luxembourg avait répondu par la négative à la première question : Google ne fait pas usage des marques, elle n’est donc pas responsable de contrefaçon, contrairement à ses clients qui, eux, choisissent des mots-clés contrefaisants pour élaborer les annonces publicitaires. En revanche, la Cour n’a pas répondu à la deuxième question (qui est pourtant la plus importante) : elle s’est bornée à rappeler les dispositions de la directive (2000/31 dite «commerce électronique»), tout en laissant le soin aux juges du fond des juridictions nationales de décider si, au cas d’espèce, l’activité du défendeur avait un «caractère purement technique, automatique et passif, impliquant [qu’il] n’a pas la connaissance ni le contrôle des informations transmises ou stockées”, ou si, au contraire, elle était de nature à lui conférer un certain contrôle sur le contenu hébergé. Dans le premier cas, l’opérateur peut bénéficier du régime de responsabilité des hébergeurs, alors qu’il est soumis au droit commun dans le second cas.

La Cour de cassation explique d’abord cela, dans un premier motif : «Attendu que la Cour de justice de l’union européenne a dit pour droit (C- 236/08, 23 mars 2010) que l’article 14 de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur dite « directive sur le commerce électronique », doit être interprété en ce sens que la règle y énoncée s’applique au prestataire d’un service de référencement sur Internet lorsque ce prestataire n’a pas joué un rôle actif de nature à lui confier une connaissance ou un contrôle des données stockées ; que s’il n’a pas joué un tel rôle, ledit prestataire ne peut être tenu responsable pour les données qu’il a stockées à la demande d’un annonceur à moins que, ayant pris connaissance du caractère illicite de ces données ou d’activités de cet annonceur, il n’ait pas promptement retiré ou rendu inaccessibles lesdites données».

La Cour poursuit en citant les faits constatés par les juges du fond, qui permettent de caractériser l’activité de Google : «Attendu que pour refuser aux sociétés Google le bénéfice de ce texte, l’arrêt retient qu’elles ne se bornent pas à stocker des informations publicitaires qui seraient fournies par des annonceurs mais qu’elles déploient une activité de régie publicitaire, d’abord, en organisant la rédaction des annonces, en décidant de leur présentation et de leur emplacement, ensuite, en mettant à la disposition des annonceurs des outils informatiques destinés à modifier la rédaction de ces annonces ou la sélection des mots clés qui permettront de faire apparaître ces annonces lors de l’interrogation du moteur de recherche et, enfin, en incitant les annonceurs à augmenter la redevance publicitaire « coût par clic maximum » pour améliorer la position de l’annonce ; qu’il ajoute que le service Adwords est présenté sur les différents sites Google sous la rubrique et le lien hypertexte « publicité », avec le slogan « votre publicité avec Google » et cette précision « le ciblage à partir de mots clés augmente la pertinence de votre publicité », et que l’activité publicitaire ainsi déployée constitue l’essentiel du chiffre d’affaires qu’elles réalisent».

Puis la Cour conclut : «Attendu qu’en se déterminant ainsi, la cour d’appel a privé sa décision de base légale». La conclusion est, pour le moins, étrange. La Cour de cassation jugeant le droit à l’exclusion des faits, elle n’a pas pu contester les faits relevés par la Cour d’appel. Il faut donc comprendre l’énumération des faits, dans le motif précité, comme signifiant que la Cour d’appel a réussi à caractériser l’existence d’un certain contrôle de Google sur la forme du contenu («en organisant la rédaction des annonces, en décidant de leur présentation et de leur emplacement…»), mais qu’elle a échoué à caractériser l’existence d’un contrôle sur le fond. Or, c’est ce contrôle là qui semble compter, puisque c’est le fond et non la forme qui détermine l’illicéité d’un contenu. On devrait pouvoir en conclure que, si la Cour d’appel avait relevé un contrôle de Google sur la teneur des annonces publicitaires, son arrêté n’aurait pas été cassé.

Un autre point semble important : ce n’est plus tant l’opérateur qui est qualifié d’hébergeur ou d’éditeur, mais le contenu litigieux qui est qualifié d’hébergé ou d’édité. La Cour juge dit : «Attendu que pour écarter l’application du texte susvisé à l’activité de prestataire de positionnement payant sur internet exercée par la société Google France, l’arrêt retient que cette dernière tente d’opérer une confusion entre cette activité et celle de son moteur de recherche, et que sont vaines ses tentatives de se voir reconnaître le bénéfice de dispositions légales ou jurisprudentielles applicables aux intermédiaires techniques» … «Attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que la Cour de justice de l’Union européenne a notamment dit pour droit, dans sa décision précitée, que l’article 14 de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur, dite « directive sur le commerce électronique », doit être interprété en ce sens que la règle y énoncée s’applique au prestataire d’un service de référencement sur Internet lorsque ce prestataire n’a pas joué un rôle actif de nature à lui confier une connaissance ou un contrôle des données stockées, la cour d’appel, qui n’a pas examiné l’existence de ce rôle actif, n’a pas donné de base légale à sa décision». Peu importe, donc, l’activité de l’opérateur. Ce qui importe c’est l’action de cet opérateur par rapport au contenu litigieux. S’il a exercé un rôle actif, une certaine forme de contrôle sur ce contenu, il perd le bénéfice du régime de responsabilité des hébergeurs.

Il ne convient pas ici de faire une analyse exhaustive de la solution de la Cour. On fera néanmoins trois remarques : 1) ces arrêts vont dans un sens diamétralement opposé à celui de la jurisprudence Tiscali, pourtant récente ; 2) ils vont beaucoup plus loin que la Cour européenne, en instaurant une interprétation très large de la notion d’hébergement ; 3) ils laissent de nombreuses questions en suspend, et ne réduisent en rien l’insécurité juridique qui domine cette manière depuis quelques années.

En outre, la solution de la Cour peut présenter des inconvénients. Par exemple : qu’en est-il de l’opérateur qui pourrait (devrait ?) exercer un contrôle sur le contenu, mais qui ne le fait pas, par négligence ou pour des raisons économiques ? Selon la Cour, s’il n’exerce pas de contrôle, il est hébergeur. Il ne sera donc responsable que s’il n’a pas agi après avoir pris connaissance d’un contenu illicite. On le voit clairement avec cette hypothèse : cette jurisprudence incite les personnes qui, d’un point de vue technique, ne sont pas des hébergeurs, à ne pas contrôler le contenu diffusé, afin de bénéficier d’un régime de responsabilité plus souple. Mais, contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette absence de contrôle n’est pas favorable à la liberté d’expression. Bien au contraire, elle incite à la censure puisque les hébergeurs ont tout intérêt à agir contre les contenus qui leur sont signalés comme étant illicites, avant même qu’un tribunal se prononce sur leur licéité.